Mysterious Skin est l'un de ces films dont l'incipit ne laisse rien présager de bon. L'apparente banalisation de la sexualité infantile à travers le récit auto-biographique du personnage de Neil n'est pas rassurante et me pousse à me détourner du film, offusqué de tant de décontraction dans son discours. Mais c'est une banalisation d'apparence, une banalisation qui cache derrière une complexité psychologique plus grande, plus torturée que la simple énonciation de fantasmes primaires et malsains. La suite du film nous invite à nous plonger dans deux vies diamétralement différentes, mais unies par le même secret de Polichinelle ; celle de Neil, adolescent torturé s'adonnant régulièrement à la prostitution avec des hommes âgés , ainsi que celle de Brian, jeune garçon troublé par des rêves dont la signification lui échappe et qu'il met sur le compte d'un enlèvement par des extraterrestres. Neil pense connaître sa sexualité ; il pense la maîtriser, la dompter. Ses nombreuses expériences sexuelles sont les preuves de son apparente "décontraction". La vie de Brian est quant à elle marquée par l'incertitude ; une incertitude qui se caractérise par la métaphore de l'enlèvement par des extraterrestres , une métaphore qui renvoie à l'horreur dont il a été le sujet dans sa jeunesse. Entre incertitude et maîtrise "apparente" de la sexualité, Brian et Neil cachent le même traumatisme, la même expérience de la pédophilie, le même bourreau.

Quand est-il de ce tortionnaire ? De ce terme il n'en tire que très peu de caractéristiques apparentes. Le coach de l'équipe de baseball dans laquelle Neil et Brian jouaient, apparaît comme quelqu'un de relativement bon. Le choix est dérangeant, presque provocateur : Neil admire réellement son coach, ce dernier se comportant avec lui comme le père qu'il n'a jamais eu. Dès lors le film apparaît comme relativement dénué de ce manichéisme si consensuel dans les cas de pédophilie, et c'est ce qui gêne dans l'approche de Mysterious Skin. Néanmoins comme je l'ai précisé, Gregg Araki sait se jouer de l'être et du paraître. Le mal est enfouie dans le coeur de l'homme, le bourreau en est bien un même s'il semble être bon et attentionné, la souffrance infligée à Neil et Brian est bien réelle et bien visible.

Gregg Araki ne choisit pas la solution facilité pour le thème qu'il aborde : les choix filmiques et scénaristiques sont à la fois surprenant, déroutants et gênants. La bande-sonore en ce sens, poétique et énigmatique inaugure à merveille l'ambiance oppressante voulue par Araki. Les détracteurs reprocheront au film sa malsainité (excusez-moi du néologisme) et sa laideur. Mais n'est-ce pas là, le gage d'une réussite cinématographique ?
AwadBelmehdi1
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 10 Films

Créée

le 6 mars 2014

Critique lue 316 fois

2 j'aime

Young Staline

Écrit par

Critique lue 316 fois

2

D'autres avis sur Mysterious Skin

Mysterious Skin
Mr_Cooper
10

E.T. won't come back.

Il était une fois deux enfants dont les vies furent brisées. Cela se passa pendant un été. Un curieux homme était entré dans leurs vies et en ressortit non sans dommages. Le premier enfant oublia et...

le 31 oct. 2010

120 j'aime

1

Mysterious Skin
Kliban
9

Une figure du mal

J'avais posté l'article suivant, à l'époque - ça peut être repris ici : En allant voir le dernier Araki, je m'attendais à être troublé. Je n'y ai rien appris que je ne savais déjà, ni sur moi, ni sur...

le 25 sept. 2010

105 j'aime

5

Mysterious Skin
Sergent_Pepper
7

Celui qui croyait au fiel, celui qui n’y croyait pas.

Pour qui connait un peu l’univers de Greg Araki, les couleurs acidulées qui ouvrent son film ne sont guère surprenantes : elles renvoient à cet univers adolescent et kitsch qu’il a l’habitude de...

le 2 oct. 2015

91 j'aime

28

Du même critique

Les Héros de la Galaxie
AwadBelmehdi1
10

Critique de Les Héros de la Galaxie par Young Staline

Ginga Eiyû Densetsu est l'une de ces oeuvres qui passe complètement inaperçue mais dont on ne regrette pas le moins du monde d'avoir pu la découvrir, l'explorer, la penser. Car si il existe quelques...

le 24 oct. 2014

6 j'aime

7

Kids Return
AwadBelmehdi1
10

La fin de l'enfance ou le retour des enfants

Takeshi Kitano est connu pour ses activités de cinéaste, acteur, humoriste y compris artiste-peintre (son talent d'illustrateur sur toile nous est dévoilé dans Hana-Bi notamment). C'est certainement...

le 9 févr. 2016

5 j'aime

Le Convoi de la peur
AwadBelmehdi1
9

La Perdition

Imaginez-vous, contraints et forcés par les dures exigences de la vie à vous retrouver au bord d'un camion chargé d'un explosif, extrêmement sensible à la moindre vibration du sol, parcourant ainsi...

le 8 mai 2014

4 j'aime