Voilà un film dérangeant qui traite de pédophilie sans tomber dans le scabreux ou le donneur de leçons. On peut y suivre les destins brisés de deux enfants abusés, et j'ai trouvé ça très juste. Sans être submergé, on saisit à merveille les déchirures intérieures et la descente aux enfers de deux victimes condamnées au silence et à la remémoration douloureuse. J'ai été glacée, mais je n'ai pas détourné le regard. J'ai vraiment eu le sentiment de plonger dans le subconscient d'un gamin lambda et d'y découvrir des secrets affreux.
Le scénario est un peu binaire par la force des choses, mais je ne me suis jamais ennuyée et la cohérence règne. Les rapports entre les personnages ne sont jamais franchement cliché, ce qui donne un rendu plutôt réaliste. Pas de happy end ou de twist improbable et mielleux : les choses suivent leur cours, cheminant doucement vers la vérité mais pas vers un salut absolu. Les personnages secondaires sont sympathiques et assez creusés : l'ami excentrique au grand coeur, l'illuminée lucide, la mère malheureuse en amour mais attachante...
J'ai bien aimé l'esthétique 90s du film qui m'a rappelé mon enfance, et les rencontres entre Neil et ses clients offrent de belles scènes, de sombres portraits. Par contre, je n'ai pas trouvé l'image magnifique, et la sobriété flirte parfois un peu avec le fade. Côté musique, on est aussi plutôt frustré. Ca n'a pas vraiment gâché mon expérience, mais je ne suis pas sûre de conserver des images de ce film ancrées dans ma mémoire bien longtemps.