Finalement, Clavier c'était pas si mal !

Je disais pour une lointaine critique sur Troie, il y a quelques années : '' laissons les puristes naviguer avec Homère. '' L'exactitude historique n'était qu'un détail premier pour ce genre de film. La période antique permet cela, de jouer sur les mythes et utopies.

C'est nettement plus dérangeant pour l'époque Napoléonienne, dans un passé beaucoup plus proche. Il y a des faits précis qui auraient pu être détournés plus habilement pour être des fantasmes convaincants. Ridley Scott nous a proposé un pur divertissement bourrin. Alors moi, j'adore ce type de film... surtout s'il y a de la tactique en plus ! Et pourtant, je n'ai pas été conquis. On parle trop peu de l'artillerie ou de l'intelligence des divisons de la Grande Armée française. Il y a une ou deux kiffances sur des grosses batailles qui m'ont laissé entrevoir ce que j'attendais, dont l'immersion à Waterloo avec la pluie et les carrés anglais. Les décors sont d'ailleurs sublimes jusqu'à Moscou. En revanche, j'ai surtout vu un Joaquin Phoenix égaré. Proclamé comme un stratège militaire hors-pair, l'acteur est trop nœud-nœud pour son personnage. La voix ne colle pas non plus, je suis resté sur Joker et ses moqueries détachées du scénario. Pour Napoléon, ça ne marche pas ! Le sujet est trop sérieux pour ça, entre autres lorsque l'empereur doit être exilé sur l'île de Saint Hélène et on a l'impression qu'il s'en tape d'apprendre son sort. Franchement, quand on y repense, la campagne d'Égypte représente à elle seule le fiasco et le gâchis du film.

Il y tellement mieux à faire et pleins de reproches, alors que Napoléon aurait dû être un film aussi merveilleux que majestueux. L'histoire d'amour avec Joséphine est une vulgaire niaiserie. Pas cool non plus pour Vanessa Kirby, qui s'en sort quand même avec un rôle de fille de joie démesurée. Oui, ce Napoléon saxon de Ridley Scott manque clairement de classe ! Commode dans Gladiator dégageait une intelligence macabre et perfide, alors que Bonaparte n'en n'est que son simple miroir et ne doit pas jouer qu'un même crevard. Les méchants étaient partout à cette époque entre royalistes et républicains. Le contexte est d'ailleurs très peu exploité, la trahison du Tsar russe est seulement balancé d'un message à l'écran. Pour une fois, Télérama et Le Figaro sont d'accord sans trop de discernements : Les 2h40 utilisent trop de raccourcis. Pour conserver cette longueur et assurer le spectacle, il aurait fallu plus de points de vus extérieurs au héros principal et moins entrevoir les parties de jambes entre Napoléon et Joséphine.

Qu'en est-il de l'apport inexistant des maréchaux comme Davout ou Ney ? Ridley Scott aurait dû mieux surveiller l'écriture de David Scarpa. Un Talleyrand avec John Malkovich valait son pesant d'or dans la mini-série avec Clavier en Napoléon, là non. La descente aux enfers de l'empereur français n'a pas de prestige, j'ai fait une dépression à la Barry Lyndon (excellent Kubrick qui lui visait vraiment un anti-héros). Ridley Scott s'est fié à sa fiction spectaculaire qui nous embrase parfois, mais ça manque de cartes militaires de l'Europe pour les campagnes de guerre.