Napoléon
5.1
Napoléon

Film de Ridley Scott (2023)

Décidément très en vogue dans le septième art du 21ème siècle, le biopic n’épargne personne et passe en revue l’existence d’incontournables personnages historiques qui, les uns après les autres, sont autant portés en louange que jugés en rapport à leur contribution au monde d’hier, d’aujourd’hui, et de demain. En tant que chef de rang du cinéma tape à l’œil depuis maintenant plus de 30 ans (les qualités visuelles et narratives en plus), Ridley Scott est parfaitement entré dans cette mouvance artistique après s’être approprié un premier combat singulier entre Moise et Ramsès dans Exodus (2014). Le réalisateur anglais avait déjà 77 ans mais encore plein d’idées à raconter. Dès lors, ses intentions ont varié; alors qu’il se rapprochait d’une réalité plus concrète à nos yeux (House of Gucci), le voici à la tête d’un nouveau projet pharaonique à plus de 200 millions de dollars, à savoir retracer la vie du général Napoléon Bonaparte de ses origines jusqu’à son ascension vers le titre d’empereur de France. Son ambition, ses idéaux, son génie, mais aussi son obstination et sa notion d’idéologie militaire… rien n’est laissé au hasard dans ce film qui pourrait autant s’apparenter à une production historique qu’à une histoire librement inspirée de la vie de Napoléon. Car, oui, il y a des anachronismes mais pourquoi sont-ils là ? Peut-être pour renforcer l’attachement que le spectateur pourrait avoir envers certains personnages ? Quoi qu’il en soit, le spectateur français n’est pas dupe et il restera le plus difficile à convaincre. D’ailleurs, dans sa globalité, Napoléon reste un long-métrage correct qui offre un spectacle alléchant mais mesuré; il laissera donc de nombreux amateurs historiques sur leur faim.

Fidèle collaboratrice de Ridley Scott, la chef-costumière Janty Yates et son équipe nous replongent avec ferveur, effroi, et avec une intensité impressionnante dans une France tourmentée qui ne veux plus voir sa vie dictée par une aristocratie déconnectée de la réalité. Les premières minutes du film nous mettent parfaitement dans cette ambiance; les drapeaux français sont en berne alors que la reine déchue Marie-Antoinette fait face à la cruelle guillotine de Joseph Ignace Guillotin. Paradoxalement, alors que l’histoire se met en place, une nouvelle sorte d’aristocratie s’élève non plus au palais de Versailles mais vers Fontainebleau et dans Paris même au Palais des Tuileries (l’hypocrisie est donc clairement de mesure). Tout semble beau de premier abord, mais les dictats imposés par Napoléon envers ses ennemis vaincus auront raison de lui.

Il ressort de ce long-métrage une maîtrise excellente de l’image au détriment d’une narration pas toujours captivante. Les scènes s’enchainent en semblant parfois se superposer et il est souvent compliqué de se rendre compte des enjeux politiques tandis que les années passent sans que les protagonistes ne changent. Les idéaux restent, mais le spectateur se perd parfois.

Pensé en premier lieu pour une sortie en streaming, Napoléon était supposé durer plus de 4 heures et devait apporter plus de profondeur aux personnages historiques notamment concernant l’impératrice Joséphine. Le film pourrait sortir en intégralité sur la plateforme AppleTV mais il semble évident que certains passages du film en aient pâti. C’est visuellement bluffant, mais pas toujours linéaire. Et sous son chapeau d’emprunt, Joaquin Phoenix fait bonne figure sans pour autant exceller. Capable d’une panoplie d’émotions positives puis négatives, cet acteur de génie est beaucoup trop sur la réserve pour que ce rôle puisse vraiment lui coller à la peau. Si, en 1927, l’acteur Albert Dieudonné a interprété Napoléon et a failli en perdre la raison (il déclara : « effectivement, je me suis cru Napoléon. Mais je me suis cru Napoléon au moment où je me trouvais sur le studio et où Gance me disait : tu es prêt ? Alors à ce moment-là, vraiment je me croyais Napoléon. D’ailleurs n’est-ce pas le génie d’un acteur de se croire le personnage qu’il représente ? »), on retiendra que la version de Ridley Scott n’en restera pas pour autant dans les annales.

Charles_Dervaux
5
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le 6 déc. 2023

Critique lue 104 fois

Charles Dervaux

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