Napoléon
5.1
Napoléon

Film de Ridley Scott (2023)

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Napoléon ou la chronique d'une débâcle annoncée

Avant tout, je tiens à mettre en lumière le fait que je ne vais pas reprocher au film Napoléon de Ridley Scott son manque de cohérence vis à vis de l'Histoire française. J'ai bien conscience d'assister au visionnage d'un film, qui plus est hollywoodien, et non pas à un documentaire traitant du parcours de l'Empereur. C'est pourquoi, même si les facilités scénaristiques et les erreurs historiques sont légions dans ce film et que le réalisateur s'arrange à maintes reprises avec la réalité, cela ne rentre pas en compte dans ma critique.

Sur ce point, d'ailleurs, Ridley Scott a déjà prouvé qu'il était capable de réaliser de très bons films historiques devenus cultes malgré leur manque de cohérence avec la réalité des faits. Gladiator, Les Duellistes ou encore Le Dernier Duel en sont des exemples concrets.


Une fois cet aspect clarifié, il est temps d'émettre une critique en bonne et due forme sur ce biopic attendu comme le Messie depuis des mois par les amateurs d'histoire.

Avant d'aller voir ce film, j'admets avoir eu quelques doutes sur le nom de Ridley Scott à la réalisation. Le fait qu'un metteur en scène britannique soit aux baguettes d'une œuvre sur le plus illustre des Hommes d'Etat français, connu notamment pour ses batailles épiques contre les sujets de Sa Majesté, n'augurait déjà rien de bon.

Cependant, je m'étais rassuré en voyant le nom de Joaquin Phoenix associé au casting. Ses nombreuses prestations abouties, notamment dans Her, Joker ou encore Gladiator me laissaient penser qu'il avait un charisme et un jeu d'acteur suffisants pour camper le rôle de Napoléon Bonaparte, homme aux multiples visages. On verra par la suite que mes espérances ont rapidement été douchées.


A la fin des 2h30 de film, les maigres espoirs que je pouvais entretenir avant son visionnage ont été déçus. Le Napoléon de Ridley Scott, c'est la Bérézina, c'est Trafalgar, c'est Waterloo!

Le scénariste britannique, connu habituellement pour réaliser des mises en scène qualitatives et souvent inoubliables, s'est ici trompé dans les grandes largeurs. En effet, on assiste ici au récit de la vie de Bonaparte, devenu par la suite Napoléon Ier, de la Révolution française jusqu'à la fin du Premier Empire, c'est à dire une période de plus de vingt ans. Comment Scott pouvait-il imaginer être en mesure de raconter autant de péripéties dans un film aussi court? Ceci est tout bonnement impossible. La vie de Napoléon Bonaparte est une fresque complète et en aucun cas un amoncellement de scènes éparpillées façon puzzle. Il en ressort un kaléidoscope de scènes mises les unes à côté des autres sans véritable logique, occultant certains points clés de l'épopée napoléonienne.

Sur ce point, il est possible de se rassurer en espérant que la director's cut d'une durée attendue de plus de 4h parviendra à résoudre cela et occulter cette image de film au montage épileptique.


Au-delà de la mise en scène, l'écriture des personnages ainsi que le choix des acteurs semble également discutable.

Napoléon est dépeint, dans ce film, comme un individu grossier, violent et sans aucune éducation, ne pensant qu'aux plaisirs de la table et de la chair. Ses qualités de grand stratège et de précurseur sur de nombreux points de l'administration française sont totalement occultés voire ne sont même pas abordés. Comment peut-on imaginer réaliser un film sur Napoléon Bonaparte sans ne serait-ce qu'évoquer le Code civil, la mise en place des préfets ou encore la création des lycées?

D'ailleurs, concernant le héros éponyme de l'œuvre, le jeu d'acteur de Joaquin Phoenix flirte avec le pitoyable et l'indigeste. Tout au long du film, on ne voit aucune progression du personnage qui n'évolue pas et reste identique du début à la fin. Cet acteur, souvent ô combien brillant et capable de dépeindre avec brio des personnages torturés aux multiples facettes, ne parvient pas ici à sortir de la torpeur ambiante dans laquelle est enfoncée ce film. Quand on pense que Christian Clavier faisait un meilleur Napoléon que Joaquin Phoenix, cela en dit long sur la piètre prestation de ce dernier.

Concernant les autres personnages du film, il n'y a pas grand chose à dire. Joséphine, sensée être le pendant de Napoléon en ce que sa relation avec l'Empereur était présentée comme essentielle dans la progression de ce dernier, est d'une banalité affligeante. Son personnage ne présente aucun intérêt - tout comme la qualité d'acting de Vanessa Kirby, celle qui la campe, soit-dit en passant.


Au final, si l'on devait sauver quelque chose du Napoléon de Ridley Scott, ce serait uniquement les scènes de combat. On regrettera simplement qu'elles aient été à ce point écourtées pour ne représenter qu'une part infime du film, ce qui est assez dommageable. En effet, durant le Siège de Toulon ou encore la Bataille d'Austerlitz, le spectateur en prend plein la vue notamment avec la fameuse scène des tirs d'artillerie sur les étangs gelés du plateau de Pratzen.


Pour finir, et pour citer l'Empereur lui-même, "Le succès ne s'explique pas. L'échec ne s'excuse pas". Un inexcusable échec, voilà comment résumer le Napoléon de Ridley Scott.

xCiceron
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le 20 déc. 2023

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