Le western spaghetti face à Nanar Jojo

Bien qu'il soient revenus sur l'idéalisation de la conquête de l'Ouest par le western américain, les italiens ont peu abordé la question amérindienne. La cause principale serait le manque d'acteurs et figurants crédibles pour les interpréter. On peut citer Richard Harrison dans Avec Django la mort est là très moyennement crédible en métis, ou alors Franco Nero qui fait de Keoma l'Indien le plus christique de tous les temps. C'est pourquoi le Western spaghetti a compensé cette absence en utilisant régulièrement les problèmes sociaux des peones mexicains, ce qui aboutit au "Western Zapata".

Alors quand Corbucci a pu obtenir de De Laurentiis un acteur américain crédible physiquement, on pouvait légitimement s'attendre à un grand film sur la condition amérindienne aux Etats-Unis. Et bien non!

Déjà le souvenir du semi-ratage des Cruels se fait sentir puisque l'on reconnaît les mêmes paysages et la même rivière dans les premières minutes de chacun de ces films. Ensuite, il se produit plus d'événements dans la première demi-heure que dans tout le reste du métrage, ce qui est quelque peu perturbant. A partir de là, je ne vais plus faire la critique systématique du scénario mais remarquer les nombreuses bonnes intentions peu approfondies.
- Par exemple une ville entière est détruite par les bandits mais surtout par la suggestion (problèmes de financement?) parce que voir 3 barbus ricaner en tenant une torche, c'est très peu spectaculaire.
- La question du scalp des indiens est très vite évacuée avec la décision du shérif de renoncer à ces pratiques. Déjà que le réalisateur avait préféré représenter à la place de l'horreur d'un scalpage l'horreur de la grimace d'Aldo Sambrell.
- Surtout la question amérindienne est très peu présente. Mis à part quand le héros réclame le poste de shérif, il n'en est peu fait réellement mention. On aurait pu très bien mettre un acteur très typé européen pour ce script très primaire : "il va venger la mort de sa famille". Sinon la honte du méchant d'être un métis est très peu explicitée, et le récit renonce à raconter la vie d'Estella, la servante métisse de la ville.

Mais les 2 gros problèmes du film sont Navajo Joe et son interprète. Navajo Joe est un tellement grand guerrier qu'il doit être un ancêtre de Chuck Norris : il tue avec une aisance telle qu'il détruit toute notion de crédibilité. Par exemple 2 sbires gardent chacun le toit d'un wagon d'un train : Navajo Joe monte entre les 2 et aucun ne le remarque. Il en tue un au couteau et le balance dans le vide sans bruit (!) car le second sbire, le dos tourné, ne remarque rien du tout. On peut aussi saluer son adresse au jet d'arme blanche, toujours efficace même lorsqu'il vient d'être blessé par balle ou qu'il s'est fait pendre par les pieds pendant des heures.
A ce personnage foireux il faut ajouter Burt Reynolds, acteur ici exécrable, totalement monolithique, n'apportant aucune sympathie ou même humanité à cette machine à tuer à la psychologie primaire. Alors cela m'a surpris dans le mauvais sens du terme, l'ayant vu bien meilleur acteur dans Délivrance. Qui plus est il a été odieux durant le tournage et a défoncé le réalisateur en interview bien après. Je suis très content qu'il n'ait pas souillé de sa présence davantage le western européen.

Ce film n'est heureusement pas qu'une purge. Le réalisateur réussit à sauver parfois les meubles. Par exemple, les acteurs bénéficient souvent de gros plans sur leur visage, sauf mystérieusement Burt Reynolds (c'est particulièrement flagrant lors des scènes de dialogue), qui a dû en avoir encore moins que le joueur de Banjo à gros nez.
Les paysages sont toujours jolis, ce qui est la norme.
Les plans baroques sont réussis, transformant ce scénario banal en spectacle impressionnant. Contrairement aux Cruels, la patte de Corbucci est très présente.
Niveau casting, Aldo Sambrell fait son job honnêtement comme vilain, mais ne peut faire oublier d'autres vilains de western plus marquants comme GM Volontè. Nicoletta Machiavelli est très belle et réussit à faire passer de nombreux temps morts. Le casting reste bon en dehors de sa tête d'affiche.
Enfin la musique de Morricone est très perturbante mais colle parfaitement à l'ambiance malsaine de l'oeuvre.

Un entre-deux assez frustrant.
Jibest

Écrit par

Critique lue 774 fois

3
3

D'autres avis sur Navajo Joe

Navajo Joe
Bavaria
7

Critique de Navajo Joe par Mickaël Barbato

Navajo Joe est un indien solitaire dont toute la tribu a été massacrée par une bande de chasseurs d'indiens. Il les poursuit sans relâche, jusqu'à ce qu'il les retrouve en train de piller un train...

le 2 mai 2010

7 j'aime

Navajo Joe
Fatpooper
5

A true american

Purée c'qu'il était bôôô, le Reynolds, quand même, c'est bon de le rappeler vu qu'il a pris un sacré coup de vieux (en même temps, il vient d'entamer sa 80ème année? espérons pas sa dernière !)...

le 17 févr. 2016

6 j'aime

Navajo Joe
Heurt
7

L'un des trois Sergio.

Il y a trois réalisateurs de westerns italiens qui ont marqué le genre et tous les trois se nomment Sergio. Il y a Leone, Sollima et Corbucci. Ce navajo Joe part sur des bases simples, un homme et sa...

le 10 juil. 2019

4 j'aime

Du même critique

Haute tension
Jibest
3

Départementale de la mort!

J'aime mon pays et j'aime les films d'horreur mais c'est pas qqch de compatible malheureusement. Je me le suis prouvé une nouvelle fois avec ce film qu'on met pourtant dans le haut du panier de la...

le 23 mai 2014

32 j'aime

11

Le Petit journal
Jibest
7

Alternative à 50 JT

Le PJ est peut-être un journal agaçant, moralisateur, meublant parfois au point de devenir un nouveau magasin Ikea, confus entre ses moments sérieux et humoristiques souvent l'un après l'autre sans...

le 21 avr. 2014

31 j'aime

23

Merlin
Jibest
2

Critique de Merlin par Jibest

Une série fantastique : - Gandalf se transforme en Jugnot avant d'aller papoter avec Saroumane (qui s'est tressé la barbe) - Un raton-laveur américain à Brocéliande - La célèbre chaîne de montagnes...

le 30 oct. 2012

20 j'aime