Ce n'est peut être pas grand chose pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup

« Begin Again » n’est pas un grand film. Mais si l’on ne devait voir que des grands films, notre filmographie ne serait pas bien large. Le cinéma ce n’est pas l’excellence tout le temps. Et c’est tant mieux sinon de tels films n’existeraient pas. « Begin Again » n’est pas non plus un navet, sinon faire une chronique dessus serait idiot. Le film n’a pas de gros défauts, mais en même temps ne révolutionne pas le genre. C’est dans ce sens qu’il faut l’aborder.


« Begin Again » en version originale, « New York Melody » en France et «Un Nouveau refrain » au Québec, est sorti en 2014 (et a été produit en 2013). Il a été réalisé et écrit par John Carney, un réalisateur/scénariste irlandais, ayant connu un certain succès en 2007 avec le Film Once. Petit détail sur le bonhomme: il fut le bassiste du groupe Irlandais « The Frames » dont il réalisa d’ailleurs les clips vidéos. Tout est lié.


Le film compte à son casting deux acteurs déjà connus du grand public: Keira Knightley (oui, j’ai dû regarder sur internet pour l’orthographe) qui est connue bien sûr pour son rôle dans « Pirates de Caraïbes » ou plus récemment dans « The Imitation Game » et Mark Ruffalo, l’autre tête d’affiche, qui est toutefois moins célèbre. Jouant surtout au théâtre, il se fait connaître en reprenant le rôle de Hulk pour la franchise Marvel (le bougre ressemble à Eric Bana). De plus, on relèvera dans sa filmographie son rôle dans « Daddy Cool » – que je vous recommande.


Troisième acteur principal du film, le leader des Maroon 5 Adam Levine fait ici office de « guest star ». Il s’agit de sa première expérience de jeu – et Dieu! Qu’est-ce que cela se voit parfois! Il encadre également la composition de la bande originale du film, mais de cela, nous en parlerons plus tard.


Deux histoires synchroniques qui se rejoignent, s’entremêlent et se séparent


Le film raconte la rencontre de deux trajectoires de vie. Tout d’abord il y a celle de Greta et Dave, un jeune couple fraîchement débarqué à New York. En provenance d’Angleterre, Dave est promis à une grande carrière dans la musique depuis sa participation à la BO d’un film à succès. Il s’agit alors de l’histoire de ce couple qui arrive dans une nouvelle ville et qui doit gérer le succès asymétrique de l’un des deux. La situation est un poil plus compliquée puisque Greta est elle-même musicienne et a participé activement au succès de son compagnon. D’abord par son soutien, évidemment mais aussi en composant certains morceaux pour lui. L’essentiel de leur histoire va donc tourner autour de cette célébrité nouvelle, de ses conséquences sur leur relation et finalement, de la remise en question de leur couple.


Parallèlement à ce récit, nous suivons Dan Mulligan, producteur de musique, séparé de sa femme et éloigné de sa fille dont il ne comprend pas la métamorphose adolescente et qu’il n’a pas l’opportunité de voir sur une base régulière. Il vit depuis un an dans un appartement avec un niveau de confort que nous qualifierons de sommaire et il néglige également son apparence puisque plusieurs personnes le prennent pour un SDF. Il jongle entre un boulot qui ne le motive plus et sa vie de famille chaotique, en essayant de réussir dans les deux, sans grand succès. Ses déboires cesseront dès sa rencontre avec Greta.


Le mec paumé et à côté de ses pompes, alcoolique et misanthrope est un stéréotype récurrent qui commence à me lasser, mais comme c’est Mark Ruffalo, ça va (je passe sur beaucoup de choses quand j’aime sincèrement un acteur). De plus et pour une fois, on ne nous présente pas un chômeur mais un mec qui a plutôt réussi dans son domaine, et donc une petite variation dans le personnage type.


Pour être franc, la première fois que j’ai vu ce film j’ai pensé qu’il se passerait un truc en Dave et Greta. C’est un mécanisme courant, plusieurs passages dans le film auraient pu amorcer et justifier cela. Mais à aucun moment le film ne tombe dans cet écueil. Reste une amitié platonique entre deux musiciens mus par un intérêt commun et supérieur. Ils sont tout les deux amoureux et ça ne se passe pas bien pour chacun des deux: c’est aussi cela qui les rapproche.


Une histoire atypique dans un décor commun


J’aime le personnage de Mark Ruffalo car on a là un mec qui ne cherche ni le bien ni le mal. Ce qu’il veut au fond c’est retrouver la passion, cette chose qui l’a fait vibrer longtemps, celle qu’il a perdu il y a quelques années à cause de la routine. A mon sens, le bonheur n’est pas un but mais un chemin. C’est le chemin, les actions que nous entreprenons qui nous rendent heureux. Le résultat n’est finalement que contemplation éphémère, avant de repartir sur un autre chemin. Je ne me lancerai pas sur la voie de la psychanalyse mais je pense que Dan avait besoin de toucher le fond pour rebondir. Il ne comprend souvent pas ce qu’il fait ou ce qu’il doit faire. Son rêve n’est pas de monter ou d’accéder à quelque chose de fou ou d’exceptionnel. Au contraire, son but n’est que de retrouver sa vie d’avant, avec sa famille et pour la musique (tout le film en est saturé finalement). Produire cet album lui servira de rédemption.


C’est vrai, l’histoire n’est pas révolutionnaire. N’est pas « Citizen Kane » qui veut! Si le fond de l’histoire est original en traitant de thèmes banals comme l’amour ou la relation de couple de manière atypique et en abordant des sujets beaucoup moins fréquents au cinéma tels que les contraintes de la production musicale, sa forme reste malgré tout très commune et rend prévisibles certains de ses dénouements.


D’ailleurs je ne pense pas que l’originalité de l’histoire soit un but pour le film. Un film peut être bon sans être original: son avantage absolu se trouve alors ailleurs. La force de « Begin Again » est clairement l’utilisation de la musique et son effet immersif.


De même, faire un film original se passant à New York et parlant de près ou de loin d’amour est chose désormais presque impossible. Je ne saurais lister le nombre de films classés comme « comédie sentimentale/romantique » se déroulant dans cette ville. Elle est facilement identifiable, avec un grand potentiel d’attraction du fait de sa réputation glamour (c’est probablement pour cette raison que le titre Français a été changé pour être plus explicite et attrayant) et atypique – du moins on nous la présente comme telle. A priori réaliser son histoire dans cette ville relève d’un pari peu risqué. Sur ce point – et pourtant j’aime les films se passant à New York – je ne saurai le défendre. Forcé néanmoins de faire remarquer que si l’action s’était passée à Chicago, Boston ou Washington, la chose aurait moins bien matchée. Cela étant, elle aurait cartonnée à Londres. A défaut de faire dans l’original, « Begin Again » fait dans le beau.


Le rendu est donc très plaisant et lisse; peut être trop. Car à vouloir aller trop vite pour raconter beaucoup de choses – le récit est dense et laisse peu de place pour des temps morts – on perd parfois l’occasion de développer des choses intéressantes. Le traitement des personnages reste acceptable mais aurait gagné à être approfondi; d’autant plus que les personnages sont intriguants à l’instar de l’ami musicien de Greta qui tente de gagner sa vie avec sa musique, Steve, jouant une place discrète dans l’intrigue mais dont j’aurais aimé découvrir l’histoire.


La même remarque serait tout aussi pertinente avec les scènes fortes en émotions. Le film en comporte quelques-unes, souvent bien placées, apportant du sens au récit. Un peu rapides, les prolonger quelque peu aurait permis une meilleure compréhension et intégration des enjeux émotionnels des personnages. Au cinéma, ces derniers sont présentés au public en début de film car il est toujours nécessaire de faire connaissance avec eux, de comprendre leurs buts, les limites de leur personnalité et leurs points faibles par exemple. C’est un rôle narratif très important voire obligatoire des scènes d’initiation.


Cette présentation du personnage a deux objectifs principaux. Premièrement elle sert à ce que le spectateur comprenne le rôle que vont jouer les personnages et ne pas être obligé d’expliquer ou de justifier toutes les actions qu’ils vont entreprendre par la suite. C’est d’ailleurs souvent le problème des nanars qui, à force de ne pas s’appliquer à le faire une bonne fois pour toute, se retrouvent obliger de rappeler sans cesse l’intrigue pour accrocher le spectateur et créer de l’enjeu. Le deuxième risque à éviter et qui oblige à présenter les protagonistes rapidement est l’absence d’empathie. L’empathie est importante au cinéma car elle implique le spectateur, le pousse à rentrer dans l’histoire et ressentir des émotions. Si elle est naturelle et intuitive dans la vie réelle, ne l’est pas forcément pour un film, justement parce qu’on ne connaît pas ses personnages. Connaître un personnage, comme une personne dans la vie, nous fait entrer dans son intimité et crée alors de l’empathie à son égard.


La musique comme moteur du film


Dire que « Begin Again » est un film de musiciens est totalement vrai. Car même en cherchant minutieusement, je ne parviens pas à trouver un personnage n’ayant aucun lien avec la musique.


La bande originale a certainement dû coûter autant que le film car il est rare d’avoir un tel investissement et un travail d’une telle qualité dans la BO. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je vous parle de ce film aujourd’hui. Dans le même temps, on peut comprendre un tel investissement en rappelant que le film parle de musique tout le long et plus spécifiquement de la production d’un disque. Je trouve également sympa que toutes les pistes entendues dans le film figurent désormais sur un CD (mais celles-ci ont été enregistrées en studio: dommage l’idée de la ville était bonne). Cela crée un véritable lien entre le film et la réalité, même si la conception du CD fut – je suis prêt à le parier – moins romancée dans la vraie vie.


Si des sons de villes sont bien présents sur les pistes de la BO, cela ne veut pas dire que les morceaux ont été comme dans le film enregistrés dehors. Ils ont en effet été ajoutés au montage mais ils sont tout de même bien originaires des lieux vus dans le film. Les morceaux ont été enregistrés dans le studio « Les Electric Lady Studios », présent également à l’écran. Studio emblématique de New York, il fut fondé en 1968 par Jimmi Hendrix et son manager. Des noms comme David Bowie, John Lennon ou Frank Zappa (et bien d’autres) ont joué dans ces murs.


Seul petit regret toutefois: le CD n’intègre pas les morceaux de la scène au double jack (regardez le film, vous comprendrez). Pourtant c’est souvent la règle: on associe les morceaux composés spécifiquement pour le film et les chansons préexistantes. Au contraire, le parti pris dans ce cas fut de garder uniquement les morceaux composés dans le film.


Personnellement, je trouve sur le jugement de Greta sur l’arrangement de « Love Stars » par Dave injuste. Elle applique elle-même un traitement plus pop à ses chansons. Transformer une chanson pour qu’elle plaise au public n’est pas lui enlever son âme. Des grands morceaux comme « Redemption Song » de Bob Marley ont d’abord eu un arrangement acoustique avant d’être dotée d’un accompagnement orchestral. Changer la version ne change pas le texte et ce qu’elle représente pour son auteur (du moment que la nouvelle version n’est pas le contraire de l’originale, coucou « Génération Goldman »).


A l’origine du projet, Scarlett Johanson était prévue au casting. Après qu’elle ait décliné le rôle, c’est Keira Knightley qui fut choisie pour le jouer (ce qu’elle fait plutôt bien). Ce qui est intéressant dans les raisons de ce choix initial – outre le fait qu’elle soit une très bonne actrice – se trouve dans le fait que Scarlett Johanson est réellement chanteuse. Suite à sa participation à plusieurs projets (notamment un duo avec Peter Yorn), elle sort en 2008 un album intitulé « Anywhere I Lay My Head », suivi un an plus tard de « Break up ». Sa collaboration aurait donc été d’autant plus profitable qu’elle cumule les deux qualités requises pour le rôle, savoir jouer et savoir chanter.


Mais c’est bien Keira Knightley qui fut chargée de jouer le premier rôle, elle qui n’avait pourtant jamais chanter dans aucun de ses films. Elle a par conséquent pris des cours de chant et de guitare pour interpréter les compositions du scénariste et auteur John Carney.


La musique est chose de grande logique avec ses notes et son solfège et pourtant ceux qui la jouent le sont beaucoup moins. Leur vécu, leur ville et leurs relations se retrouvent dans leurs musiques. Elle est l’expression de nos sentiments les plus forts et les plus enfouis, qui ne pouvant être traduits en mots, le sont en sons, notes et mélodies. Enfin, si la musique adoucie les mœurs, elle rapproche également les hommes.


« Alors tu était sou pendant que tu écoutais ma chanson ?


– Complètement ! Il le faut pour comprendre la bonne musique »

Créée

le 18 mars 2016

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