Vrombissements de moteurs. Vrombissements de métro. Vrombissements de ville. Au milieu une voix. Celle du foyer. Celle de la famille. Celle du souvenir.
La ville s’étale, s’étend en longueur, s’allonge en hauteur.
Dans son sillage, la voix s’espace aussi, s’efface derrière l’écrasante ville. Derrière la fascination d’un monde nouveau. Un monde infini, le vaste monde s’offrant à perte de vue, malgré son horizon sans cesse bouché.
La voix répète, supplie, mais rien n’y fait, la ville assourdissante la surpasse.
Pour tenter de saisir dans son ensemble la ville-monde, dépourvue de limites et qui toujours déborde du cadre, il faut s’en éloigner, s’en extraire. Mais quitter la ville c’est ne plus y être, ne plus y appartenir, à l’instar de la famille et de la terre natale laissées loin derrière soi - loin devant soi ? - dont seuls de lointains échos persistent et nous parviennent encore.
Un film composé de fragments du voyage, sur lesquels plane l’ombre de l’exil. L’exil qui préfigure le retour impossible.
“Je regretterai, je le sais, mon séjour dans cette contrée aux hivers doux et aux eaux salées, comme un péché inexplicable. Et je me sentirai quelque peu, mais douloureusement, étranger à mon pays natal, à cause duquel je me suis senti à ce point étranger et solitaire dans ce pays, sous le ciel du sud.“
Au crépuscule - Contes de la solitude, Ivo Andrić, 1976, traduction Sylvie Ckakic-Begic