Los Angeles, New-York, Paris, Rome et Helsinki. Cinq villes, cinq taxis, pour cinq rencontres improbables, souvent drôles, parfois hilarantes, toujours touchantes et résolument poétiques.


Nouveau film compartimenté pour Jim Jarmusch après le magnifique Mystery Train, retraçant la vie nocturne (déjà) d’êtres étranges gravitant autour d’un hôtel miteux d’un Memphis envoûtant puis l’inégale Coffee and Cigarettes, succession de multiples scénettes, un café à la main, une clope dans l’autre. Comme dans ces deux films, il répète la même situation dans différentes localisations, la relation acerbe et détaillée entre conducteur et passager(s), pendant qu’ils filent à travers la nuit vers leur destination. L’occasion pour le réalisateur à la chevelure argentée de s’offrir un sujet en or. La nuit, la ville, les Hommes. Triptyque qui va lui permettre de faire ce qu’il fait de mieux, instaurer une ambiance unique, d’abord, dépeindre des personnages incroyablement justes, ensuite. Jarmusch fait du Jarmusch, et putain il le fait bien.


Un fast-food abandonné posé au milieu d’un grand parking sur le bord de la route, un bar minuscule coincé entre deux maisons d’une petite ruelle sombre, une façade défraîchie à la peinture écaillée, une devanture lumineuse aux néons fluorescents, une veille voiture délavée sous un réverbère à la lumière chancelante, une camionnette garée entre deux palmiers sous un ciel bleu éblouissant … chaque scénette s’ouvre magnifiquement par un enchaînement de plans fixes desquels surgis le taxi que nous ne quitterons qu’une vingtaine de minutes plus tard, pour en suivre un autre, dans une nouvelle ville. Jarmusch capture l’essence même de chacune de ces villes, leurs humeurs nocturnes paresseuses, grâce à une réalisation simple et une photographie magnifique, faite de ses habituels plans fixes et travellings latéraux, accompagnés par une musique électrique et mélancolique, onirique et poétique.


Le crépuscule orangé illumine Los Angeles, l’aube bleue pâle réveille Helsinki.


Aucune réelle intrigue ne dicte ces cinq rencontres, ce qui importe avant tout, ce sont les personnes, les dialogues et les humeurs. Des personnes ordinaires qui ne sont habituellement pas représentés dans les films, dans des situations banales qui ne sont habituellement pas représentées dans les films. Et ces personnages défilent, s’enchaînent, rapidement, on ne sait pas vraiment qui ils sont, ni ce qu’ils font, pourtant on s’attache à chacun d’entre eux. On est avec eux dans ces taxis, on rit avec eux, on partage leurs histoires, leurs peines, leurs espoirs. On vit cet instant de la vie quotidienne avec eux. Puis ont les quittent brusquement, lorsqu’ils sortent du taxi et repartent vivre leur vie dont on ne sait quasiment rien.


Chacun à sa propre culture, sa propre langue, sa propre histoire, mais nous sommes tous les mêmes, humain, au cœur de la nuit.


Un film intelligent et sensible, sombre et comique, à la fois conte de fée et film noir.

Clode
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le 10 mars 2015

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