Trop de jérémiades

C'est dommage, la réalisation est soignée et le film est loin d'être mauvais.
Cependant, certaines situations semblent forcées et je suis de ces spectateurs qui détestent se sentir contraints de ressentir telle ou telle émotion, à tel moment.
En effet, force est de constater que Gyhenhall, et bien que ses talents d'acteur ne soient plus à démontrer, livre ici une prestation peu nuancée: il contiendra sa rage pendant tout le film, larme à l’œil, regard perdu et air de chien battu à l'appui, pour bien entendu "exploser" à la fin du film et réclamer vengeance.
La bonne surprise vient davantage de Michael Shannon, pourtant habitué aux films de seconde zone, qui s'en sort ici beaucoup mieux que ce brave Jake en interprétant un shériff à la fois intègre et désabusé.
Quant à Amy Adams, je ne vais pas m'acharner, disons qu'elle me laisse totalement de marbre...
L'intérêt du film ne réside cependant pas dans l'interprétation, mais dans la mise en abîme d'une "histoire dans l'histoire", les aventures fictives narrées par Gyllenhall dans son roman faisant écho à la relation réelle et passionnée qu'il a vécue avec Adams par le passé, avant de se faire lourder par cette dernière.

Jake transmet ainsi des années plus tard le script de son "œuvre" à son amour perdu, d'une part pour lui prouver qu'il n'est pas un écrivain raté, mais surtout pour lui soumettre ses sentiments par l'allégorie et la métaphore, utilisant un personnage qui verra sa femme et sa fille être violées et tuées par une bande de red necks (des bouseux texans quoi...).
Ce personnage fictif adopte les traits de caractère et l'apparence de Gyllenhall, la mise en scène situant donc la narration à deux niveaux: la lecture du script par Adams lors de ses insomnies dans la "vraie vie" d'un côté, la recherche des coupables par le Gyllenhall du roman aidé par un shériff local de l'autre.

Adams sera bouleversée à la lecture du roman de son ex, s'apercevant alors de l'erreur irréversible qu'elle a commise en le quittant.
Côté "fiction", Gyllenhall subira mollement les évènements en attendant d'éventuelles nouvelles pistes qui lui permettraient de retrouver ses agresseurs pour qu'ils soient jugés.
Le shériff, atteint d'un cancer en phase terminale, lui donnera l'opportunité de se faire justice lui-même, les thèmes du film s'articulant autour des notions de vengeance, de deuil et de rédemption, ainsi que des sentiments de regret et d'amertume.
Si le sujet traité et sa mise en scène ne sont pas inintéressants, certaines lenteurs à vocations explicatives et l'insistance de la caméra pour nous décrire les états d'âme des personnages peuvent s'avérer pénibles (en tous cas me concernant), et la réalisation aurait pu à mon sens s'acquitter de tant de jérémiades, de la part de Gyllenhall (que c'est chiant à écrire!) et d'Adams en particulier.
Le dénouement m'a toutefois agréablement surpris et sort quelque peu des sentiers battus, apportant une dimension et une contenance au propos d'origine, ce qui est à mettre au crédit de Ford.
Le film n'est aussi pas trop ennuyeux et possède d'indéniables qualités, notamment dans son atmosphère dépressive plutôt bien rendue, mais les pleurnicheries continuelles et le comportement apathique des protagonistes ont fini par quelque peu me lasser...
Bref, malgré une réalisation élégante et un propos intéressant je suis resté sur ma faim, le film aurait largement gagné à être plus rythmé et à bénéficier de davantage d'évènements ou de situations.
Pas mal sans plus en somme.