Et si, dans un monde où tout va à cent à l’heure, on ralentissait le rythme ? Avec panache, Mike Mills prend pourtant la décision de nous offrir une bulle de repos avec son nouveau film, « Nos âmes d’enfants ». Sensible et sincère, cette oeuvre se distingue de par sa rareté, tant il est difficile de produire des films aussi contemplatifs (et surtout de les distribuer à grande échelle) dans le paysage cinématographique actuel.


Nos âmes d’enfants raconte la jolie parenthèse vécue par un oncle et son filleul. L’un est anxieux par nature, l’autre diagnostiqué bipolaire de naissance. La vie a fait que les deux hommes ne se connaissent que trop peu, bien qu’unis par leurs liens familiaux. Malgré une conséquente différence d’âge, c’est une merveilleuse fable qui va se jouer devant nous, contant l’histoire d’amitié qui va progressivement les rapprocher. S’en suivent alors d’innombrables discussions et jeux de rôles, avec comme point commun un questionnement permanent sur le sens de la vie. L’avenir, les déboires amoureux, la mort et l’après. Loin de la philosophie de comptoir, Mike Mills pose ici des questions d’une simplicité dérisoire, mais dont les réponses peuvent tellement varier d’un individu à l’autre qu’elles constituent en elles-mêmes la profondeur du propos de son film. Bien souvent, Mills laisse d’ailleurs son public sans réelles réponses, et son long métrage devient alors une suite d’interprétations. Chapitré par la lecture de plusieurs livres pour enfants, ce chaleureux road-trip nous emmène à travers les États-Unis d’Amérique, de Détroit à la Nouvelle-Orléans. Filmant l’angoisse de la nouvelle génération et les regrets de la précédente, Mike Mills interroge le temps et ses multiples dimensions, ce même temps qui guérit (ou non) chacun de nos maux insignifiants.
Ode à la remise en question, Nos âmes d’enfants, a un titre français (C’mon C’mon aux USA) on ne peut plus significatif. Son histoire révèle ainsi une profonde aversion pour l’âge adulte, celui qui nous déconnecte de tout et nous enlève, à différentes échelles, le goût des choses.


Par un noir et blanc soigné et une formidable variété de plans de coupes, le metteur en scène joint la douceur visuelle à la réflexion qu’engendre sa réalisation. Visuellement, le film est d’une simplicité délicieuse, et chaque plan questionne notre incapacité à regarder la beauté des choses qui orne notre quotidien. Mills multiplie les plans fixes et s’arrête sur la pureté des nuages, mais aussi sur la beauté des parcs ou même celle d’un sourire… Bercée par une des Gnossiennes de Satie, l’oeuvre est d’une lenteur singulière, qui la rend agréable et sans prétention. Ajoutons à ce magnifique tableau une performance formidable de Joaquin Phoenix, qui, on le sait, cache une grande fragilité émotionnelle derrière son imposante carrure. L’acteur est selon moi au sommet de son art dans ce genre de films d’auteurs sans prétention, tant il peut affirmer son extraordinaire sensibilité. Il est accompagné par le jeune Woody Norman, magnifique de maturité et dont le nom resplendira sûrement dans les prochaines années. Selon la manière dont on appréhende Nos âmes d’enfants, il est possible d’y voir un film lassant, au scénario redondant et sans péripéties majeures. Si on décide de se prendre au jeu de ce formidable film, jusqu’à présent le plus réussi de 2022, alors, on ne le regarde plus avec nos yeux d’adultes, mais avec notre regard d’enfant. On en ressort alors transcendé et surtout… rajeuni.

Baptiste-Gouin
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2022

Créée

le 29 janv. 2022

Critique lue 317 fois

6 j'aime

1 commentaire

Baptiste Gouin

Écrit par

Critique lue 317 fois

6
1

D'autres avis sur Nos âmes d'enfants

Nos âmes d'enfants
JorikVesperhaven
4

L'exemple type du film d'auteur intello intéressant sur le papier mais désespérément chiant à l'écra

Mike Mills nous présente certainement son film le moins réussi et surtout le plus rébarbatif. Il fait partie de ce que l’on pourrait appeler la nouvelle vague du cinéma indépendant américain avec...

le 30 nov. 2021

33 j'aime

Nos âmes d'enfants
NickMira
3

L'impression de voir une pub Apple de 2h

Nos âmes d'enfants, 4ème long métrage de Mike Mills, faisait suite aux excellents Beginners et 20th Century Women. Le film se plaçait avec une ambition : réinventer la narration d'une relation entre...

le 8 déc. 2021

12 j'aime

Nos âmes d'enfants
augustemars
9

C'mon ! C'mon ! C'mon !

Nos âmes d'enfants (C'mon C'mon pour le titre original) est le premier film sorti en France en 2022 que je vois (il est sorti aux USA en 2021), et autant dire que l'année cinématographique commence à...

le 30 janv. 2022

10 j'aime

4

Du même critique

BAC Nord
Baptiste-Gouin
8

French Connection

Critique par @lefilmdujour C’est l’histoire de trois types dans une caisse qui se surprennent à rêver de partir dans l’espace. Une destination à mille lieux de la banlieue Marseillaise et de ses...

le 17 août 2021

18 j'aime

2

ADN
Baptiste-Gouin
5

Miroir, mon beau miroir...

C'était la première fois hier que j'allais voir un film de Maïwenn, réalisatrice reconnue en France, après notamment deux succès que je dois absolument rattraper : Mon roi (2015) et Polisse...

le 6 oct. 2020

14 j'aime

4