Un regard intéressant est porté sur l’adolescence et le parallèle effectué entre une petite dizaine d’entre eux et le destin de la princesse de Clèves relève du rapprochement apologique des contraires, enfin en principe. Contraire par l’époque, creux de plus de quatre siècles, contraires par les mœurs – diversité du choix et des possibles face à une intransigeance de l’obligation conjugale. Ce petit film un peu documentaire, un peu essai pédagogique, un peu satire virulente d’une société qui enfoui la culture (pied de nez à l’allusion révoltante du président de la république face au patrimoine littéraire culturel) brosse à la fois le portrait d’une génération qui souffre, à l’école (le bac approche, les désillusions grandissent), à la maison (le fossé se creuse avec les parents) ou face à la société (trouver sa place) et met aussi en scène, comme un cours de théâtre, et régulièrement, la lecture du texte de Madame de Lafayette récité face caméra par ces mêmes ados. Evoquer le texte véritable, évoquer ses répercussions sur des sentiments, des idées et évoquer les ressemblances en miroirs entre les personnages centraux, qu’il s’agisse de ceux d’antan, la princesse autant que Madame de Chartres, sa mère, que ceux d’aujourd’hui, jeunes et parents du XXIe siècle. Belle ambition qui rappelle quelque peu L’esquive d’Abdelatif Kechiche, même si ce dernier abandonnait toute pression du réel, se concentrant sur son objectif fictionnel ultra naturaliste. La grande différence, c’est malheureusement la mise en scène. Bien que je ne sois pas un grand admirateur du premier film du réalisateur de Vénus noire, trop emprunt d’une recherche de la performance, du malaise qui lui ôte rapidement sa beauté, son intelligence – tout l’inverse d’un Pialat par exemple – il faut reconnaître qu’il y avait une incroyable force mise en scénique de plongée dans le quartier, une vitalité, la violence des discussions, la magnificence improbable des rencontres, l’effroi d’un contrôle de police. Régis Sauder s’est contenté de faire un film qui ne propose pas grand chose à ce niveau là, un film sans relief, comme si l’écriture pouvait suffire. Quelque chose de très écrit et du même coup très pâle, très plat dans sa représentation cinématographique. Ce serait une pièce de théâtre, déjà ce serait beaucoup mieux, les images seraient les mêmes. Il y a néanmoins deux trois envolées particulièrement fortes, entre un visage coincé dans les contours d’une fenêtre qui donne sur une grue de chantier (plan Costaïen) ou un corps désarticulé dans les hautes herbes d’un terrain vague qui dit vouloir voler de ses propres ailes ; mais très peu de fulgurances, d’émotions palpables (qu’elles soient lumineuses comme chez Pialat ou éprouvantes comme chez Kechiche) que l’on remplace ici par des constructions banales de plans pleins et maladroits.
JanosValuska
5
Écrit par

Créée

le 10 déc. 2013

Critique lue 397 fois

JanosValuska

Écrit par

Critique lue 397 fois

D'autres avis sur Nous, princesses de Clèves

Nous, princesses de Clèves
Knutcha
4

Critique de Nous, princesses de Clèves par Knutcha

Doit-on vraiment donner la parole aux adolescents ? Oui. Ont-ils des choses à dire ? Joker. D'où le besoin extrême de leur apporter de quoi penser. Documentaire autour de paroles d'adolescents sur...

le 1 avr. 2011

3 j'aime

1

Nous, princesses de Clèves
Rjustinien
8

Critique de Nous, princesses de Clèves par Rjustinien

Symbole de la lutte contre la vision utilitariste de la culture (cf N.S), "Nous, Princesse de Clèves" est une énième réponse aux propos Élyséens. Ce que l'écrivain et essayiste Pierre Jourde a...

le 6 avr. 2011

2 j'aime

Nous, princesses de Clèves
Caine78
6

Critique de Nous, princesses de Clèves par Caine78

D'un intérêt très moyen sur la forme, il faut reconnaître que « Nous, princesses de Clèves » a quelque chose à dire. Qu'il est en effet plaisant de voir des lycéens parler avec leurs mots d'un grand...

le 4 avr. 2018

1 j'aime

Du même critique

La Maison des bois
JanosValuska
10

My childhood.

J’ai cette belle sensation que le film ne me quittera jamais, qu’il est déjà bien ancré dans ma mémoire, que je me souviendrai de cette maison, ce village, ce petit garçon pour toujours. J’ai...

le 21 nov. 2014

32 j'aime

5

Titane
JanosValuska
5

The messy demon.

Quand Grave est sorti il y a quatre ans, ça m’avait enthousiasmé. Non pas que le film soit  parfait, loin de là, mais ça faisait tellement de bien de voir un premier film aussi intense...

le 24 juil. 2021

31 j'aime

5

Le Convoi de la peur
JanosValuska
10

Ensorcelés.

Il est certain que ce n’est pas le film qui me fera aimer Star Wars. Je n’ai jamais eu de grande estime pour la saga culte alors quand j’apprends que les deux films sont sortis en même temps en salle...

le 10 déc. 2013

28 j'aime

8