Pour sa première réalisation, Kheiron parle de ses parents, à travers leur combat en Iran face au Shah, puis celui en France face à l'ignorance. C'est une belle histoire, racontée avec humour et tendresse. Cela n'en fait pas pour autant un bon film, mais on en est pas loin.
En 1955, l'Iran est sous la dictature du Shah (Alexandre Astier), mais le peuple commence à se soulever, avec parmi eux Hibat Tabib (Kheiron). Le Shah est destitué, Khomeiny prend le pouvoir et cela devient pire. Il décide de fuir en France avec sa femme Fereshteh (Leila Bekhti) et leur fils.C'est un autre combat qui commence pour eux.
On ne peut pas détester ce film. Kheiron parle avec amour de ses parents, on sent la fierté qu'il ressent d'être leur fils. C'est sur le ton de l'humour qu'il ouvre le film, en décrivant son immense famille et de la vie en Iran, avant de se faire plus sombre face à la dictature du Shah. Comme c'est un humoriste, on l'attend dans ce genre, mais il livre une comédie dramatique. Cela décontenance un peu, avec le passage en prison, qui ne prête pas à sourire, ou presque grâce à l'alternance des lits. Il met de l'humour, là où il y a de la souffrance et pourtant cela marche. C'est d'ailleurs dans ce domaine, où il excelle, moins dans le drame, sans que cela soit pour autant faible.
C'est étonnant, mais c'est dans l'écriture des personnages secondaires, que le film manque de profondeur. Le sujet est difficile, ce n'est pas évident de parler de l'Iran et de faire un portrait de tout ceux qui entouraient son père. Cela se ressent à la fin, quand les portraits de chacun défilent, alors qu'on a à peine aperçu certains. L'histoire semble trop dense pour un premier film. C'est ambitieux, mais finalement le récit va se concentrer sur ses parents, car comme l'indique le titre : Nous trois ou rien.
L'histoire fonctionne mieux à leur arrivé en France. Le départ fût difficile et on les comprend, pas évident de laisser Gérard Darmon et Zabou Breitman en Iran. Les deux sont exceptionnels et je ne serais pas étonné que Gérard obtienne une nomination aux césars. Est-ce le fait de se retrouver en terre plus connu ? Quoiqu'il en soit, les personnages sont mieux brossés et les sujets abordés nous touchent plus. Bienvenue dans notre belle France, cette terre d'accueil....enfin, Stains et ses immeubles aussi gris que le ciel de la région parisienne. La découverte d'une nouvelle culture, langue et mœurs, ne se fait pas sans heurts.
Kheiron évite de faire dans le pathos et le vulgaire. Par contre, il fait preuve d'un trop grand optimisme pour la France. "Ils se détestent, mais au moins, ils se parlent" à propos des jeunes et de la police. C'est très naïf et loin du visage actuel du pays, même si c'était une autre époque, les temps n'ont pas vraiment changé, loin de là. Certes, il veut faire passer un message positive à travers la réussite de ses parents, que le "vivre ensemble" est possible. On ne peut pas lui en vouloir, il n'y a rien de manichéen là-dedans. Il s'inspire de son vécu et il est positif, mais pas tout le monde a la chance d'avoir un parcours aussi exceptionnel. C'est aussi faire preuve d'aveuglement, face à la situation de notre pays, mais je comprends où il veut en venir et c'est pour cette raison, que l'on ne peut pas lui taper dessus, à moins d'être d'un pessimisme exacerbé.
Le comique de répétition a du bon. Kheiron joue avec son frère Aziz (Khereddine Ennasri), le voleur de vêtements. Il fait de même avec le statut d'avocat de son père, la mauvaise foi de sa mère où la compréhension du Shah en France. Cela fonctionne à chaque fois. Son casting est réussi, enfin pour ceux qui ont un vrai rôle à jouer. Leila Bekhti est divine en femme de caractère et mère protectrice, aussi bien à l'aise dans la comédie, que le drame. Il en va de même pour Kheiron, même s'il est moins expressif. Gérard Darmon est exceptionnel, si vous ne lâchez pas une larme face à son talent, c'est que vous avez perdu votre coeur. Zabou Breitman est aussi à la hauteur, comme lors de la scène de demande en mariage, un must. Khereddine Ennasri est parfait, sa passion pour les vêtements est envahissante et enfin, Alexandre Astier est un Shah un brin trop sympathique, mais savoureux.
Alors que l'Europe s'étripe aux sujets des réfugiés, où certains imposent des quotas et d'autres érigent des barrières. Kheiron montre ce que l'immigration peut apporter à un pays. Il suffit de s'écouter les uns et les autres, pour mieux se comprendre et mettre en pratique le fameux "vivre ensemble". Dans un film, c'est facile, mais dans la réalité, c'est une toute autre histoire....
Non, on ne peut pas détester ce film, mais on peut lui faire des reproches. Cela reste un premier film, avec ses qualités et défauts. Kheiron sera-t'il notre Chris Rock ? En tout cas, il fait tout pour être à la hauteur d'une de ses idoles, avec une palette de compétences, de plus en plus large : auteur, réalisateur, scénariste, acteur, rappeur, etc....l'affaire est à suivre....