Si on ne m'avait pas proposé de le voir, je n'aurais sûrement pas regardé Nymphomaniac de si tôt et certainement pas en director's cut. La promo racoleuse nous vendait un porno intello trash et violent avec du cul, du cul, du cul non-stop et comme j'avais déjà trouvé le temps affreusement long avec Melancholia, j'étais bien partit pour rage quitter au bout de 10min. Or, le film se révèle être une bonne surprise.


En effet, Lars Von Trier construit réellement une histoire étalée sur 8 chapitres racontant chacun une étape dans le parcours d'une nymphomane excellemment interprétée par Charlotte Gainsbourg. De sa jeunesse délurée où elle s'épanouie dans le sexe en baisant à tout va; jusqu'au moment où la jeune dévergondée laisse place à une vielle fille ne ressentant plus aucun plaisir sexuel et cherchant désespérément à le retrouver en essayant de nouvelles expériences, tout ça en passant par différentes périodes ou événements marquants qui vont étoffer le personnage et traiter en profondeur de très nombreuses thématiques liées à la sexualité mais pas que. Cela nous donne une oeuvre diversifiée, tantôt comique, romantique, glauque, érotique ou bouleversante dans laquelle chaque partie s'assemblent au sein d'un tout cohérent et autour d'un même sujet traité de fond en comble avec beaucoup de justesse. D'une cruauté sans limite et d'un cynisme à tout épreuve teinté ça et là d'humour noir, Trier nous narre le destin tragique d'une femme qui, meurtri par sa vie de débauche finira par devenir une femme seule, malheureuse et rongée par la culpabilité.


Les scènes sont fortes et nous marquent parce qu'elles respirent la sincérité et qu'elles sont portées par d'excellents comédiens à fond dans leurs personnages et allant très loin sans jamais paraître risibles. Mais les scènes sexueeeeeeeeeelles y sont aussi pour beaucoup. Jamais gratuites puisqu'en accord avec le propos et toujours sciemment utilisées par rapport au chapitre abordé, elles marquent d'autant plus qu'elles sonnent vraies et qu'elles mettent en scène des rapports sexuels non-simulés qui semblent avoir été filmés sur le fait alors même que tout n'est que tromperie. En effet, les acteurs principaux ne réalisent pas l'entièreté des cascades sexuelles. Ces dernières sont en fait confiées à des professionnels du milieu pornographique, leurs bustes étant ensuite remplacés numériquement par ceux des comédiens originaux. Étonnant non ? Oui, car l'illusion est parfaite.


Cependant, malgré les qualités objectives de ce long-métrage, je n'ai pas réussi à être totalement subjugué par l'oeuvre de Lars Von Trier. Je lui trouve en effet quelques défauts qui m'empêche de lui décerner une meilleure note.


Premièrement, la narration. Tout le film repose en fait sur un dialogue entre Joe et un intello de 75ans environ, l'ayant recueillit chez lui après l'avoir trouvé blessée et inconsciente dans la rue. Le reste du film se déroulant ainsi : Joe entame un chapitre de son existence, ce dernier nous est ensuite montré en flash back et son interlocuteur réagit en même temps à ses paroles, le plus souvent en décortiquant et en intellectualisant chacun de ses faits et gestes afin de les rationaliser selon des références philosophiques et mathématiques, ce qui constitue pour moi le premier défaut du film. Car si les remarques de l'interlocuteur sonnent parfois justes, elles apparaissent la plupart du temps comme de la branlette intellectuelle de bas étage et cela devient rapidement soûlant. On comprend cependant au début de la seconde partie pourquoi il arbore un regard aussi distant et rationnel par rapport à l'histoire de Joe et ce grâce à un retournement inattendu. Après quoi il se contentera surtout d'écouter son hôte et de la laisser disserter elle même sur sa propre expérience, ne donnant son avis que plus succinctement et cessant pour de bon toutes ses métaphores à la con.


Ainsi, du fait de cette narration particulière, on passe donc globalement plus de temps à parler de sexe qu'à le montrer et lorsqu'on en voit ce n'est jamais pour choquer inutilement le public. J'ai déjà évoqué ce que ces scènes conféraient au récit mais toute cette violence et cette ébauche de séquences X sont également justifiées scénaristiquement. Joe racontant en effet tout dans les moindres détails, nous nous devons d'en savoir autant que son interlocuteur et donc de voir directement les actes concernés aussi choquants soient-ils. Même si je vous rassure tout de suite, à part une séquence particulièrement traumatisante, le reste passe comme une lettre à la poste pour peu que vous soyez majeur et que voir des scènes de pénétration ou du sado-masochisme non simulé ne vous effraie pas. On est pas dans La Vie d'Adèle ici, y'a pas trois scènes de cul extrêmement malsaines, épouvantablement mal filmées qui arrivent en plein milieu du film et dont tu perçois que les actrices sont entrain de souffrir le martyr.


Les scènes de cul dans Nymphomaniac bénéficient toujours d'une mise en scène particulière selon leur tonalité dans le récit. Tantôt sèche et rapide pour les moments de baise sans grande importance, plus esthétisées durant les rapports avec les véritables "amants" de Joe, ceux qui comptent vraiment pour elle, filmées avec froideur et réalisme durant les scènes de sado-masochisme, ect... C'est d'ailleurs selon moi les seuls moments qui bénéficient d'une réalisation inspirée, car même si certains chapitres ont des intentions de réa très marquées (noir et blanc, plans très rapprochés, filmé en 16/9, ect...) majoritairement ça reste du caméra épaule où on filme juste ce que l'on doit filmé de la façon la plus simple et basique qui soit. Ce n'est pas un défaut en soit, mais je trouve la mise en scène de ce film un peu surestimée par rapport à ce qu'on a pu en dire.


Pour terminer sur les scènes de cul, j'aimerais revenir sur le point le plus négative de l'oeuvre qui n'est cette fois pas lié au film en lui même mais à sa promo putassière dans tous les sens du terme. Si je croyais voir un porno sans intérêt ce n'est pas uniquement parce que je suis pleins de préjugés mais parce que le projet se vendait comme tel. Que se soient les affiches, la bande-annonce, les photos officielles, les interviews tout tournait autour du caractère sulfureux de ce long-métrage, lié au fait de voir de grandes stars hollywoodiennes dans des scènes de cul non-simulées. C'était l'unique argument pour inciter les gens à se déplacer en salle. Une promotion racoleuse et mensongère au regard de ce qu'est réellement Nymphomaniac qui a bien plus à offrir que cela autant au niveau du fond que de la forme. D'ailleurs certaines stars désignées comme tête d'affiche du long-métrage et montrées nues sur les affiches apparaissent 2min montre en main et restent habillées durant toute leur apparition.


Enfin, parlons de la fameuse fin qui divise. Pour ma part, si elle reste cohérente avec le ton défaitiste du film, elle n'en demeure pas moins extrêmement forcée, arrivant comme un cheveux sur la soupe de façon abrupte sans avoir été introduit au-préalable. Je n'étais pas opposé à une fin tragique mais encore fallait-il la réussir, là on a vraiment l'impression que le film se finit mal parce que Trier voulait que ça se finisse mal.


Pas grand chose d'autre à reprocher si ce n'est quelques lenteurs et longueurs par ci par là selon les chapitres. Des moments où j'étais moins investit dans l'histoire et où j'avais tendance à décrocher. Et puis, bon c'est peut-être purement subjectif pour le coup mais je n'ai pas vraiment été touché par le destin de cette nymphomane. J'y ai vu toute l'intelligence du scénario et le propos intéressant qui était développé mais je n'ai pas réussi à m'intéresser parce que j'étais attaché à Joe et que j'avais envie de savoir ce qui allait lui arriver et comment elle allait s'en sortir. J'ai donc plus passer le film à le contempler et à l'intellectualiser qu'à le vivre, excepté lors de scènes extrêmement violentes qui ne laisseraient personne insensibles. Je ne sais si c'est l'extrême froideur du récit, le fait qu’absolument rien ne rend les personnages attachants ou la narration décousue de l'histoire mais quelque chose m'a manqué.


Nynphomaniac est donc une oeuvre bien plus intéressante et intelligente que ne le laissait suggérer sa promo putaclick. C'est un film à voir et de préférence en director's cut si vous n'avez pas le cœur fragile, afin de contempler la version voulue par le réalisateur. Cependant malgré ses indéniables qualités, cela reste un film long, froid, violent et contenant aussi son lot de branlettes intellectuelles. Le long-métrage ne plaira pas à tout le monde et il est donc préférable de bien savoir dans quoi vous mettez la queue avant de le visionner. Et même si je comprend parfaitement qu'on puisse être emporté du début à la fin, personnellement je n'ai pas réussis à apprécier le film autrement qu'en l'intellectualisant.

Alfred_Tordu
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le 22 mai 2016

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Alfred Tordu

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