Nymphomaniac est d'après son auteur un "marathon punk". Il est vrai : Punk par l'esprit, marathon par la grande densité de l'oeuvre qui, malgré sa longueur n'ennuie jamais (allez, peut-être quelques minutes vers la fin de la partie 2). On peut d'ailleurs penser que le remaniement de Nymphomaniac pour raccourcissement et censure aura été très bénéfique.
La polémique précauce augurait d'un film déconstruit et d'une vanité absolue. C'est donc une belle surprise que ce scénario à la structure classique,regorgeant d'idées et d'humour. Le ton peut-être grivois, mais lorsque la voix-off décrit les situations chaudes avec précision et amusement, on verse plutôt dans le libertinage.
Ce contraste entre punk et préciosité se retrouve aussi dans la mise en scène : aussi ne sait-on jamais si, l'instant suivant, ce qu'on a sous les yeux va être perverti par le métal débile et pompeux de Rammstein (aussi mauvais qu'il est utilisé avec génie !), sublimé par une grande beauté plastique (celle du début de Melancholia), les deux (!), ou placé dans cet entre-deux de fausse profondeur intellectuelle qu'est l'avalanche de digressions techniques et culturelles de Seligman.
Les digressions/explications de Seligman (et marginalement de Joe) sont trop absconses et/ou prétentieuses pour être prises au sérieux et elles sont d'autant plus ridicules que la mise en scène les traite au premier degré, sous forme d'inserts à la Jean-Luc Godard, redondants et lourds comme une parodie de documentaire.
Points qui fâchent : on peut évidemment regretter certains propos plus difficiles à cerner : le message sur l'antisionisme surgissant de nulle part ainsi que la scène avec ces deux noirs montrés comme répugnants dans le chapitre "Les Hommes Dangereux" et qu'elle refuse de qualifier autrement que de "nègres" ... au nom de la démocratie. Pas du racisme en tant que tel mais une provocation peu digne d'un réalisateur qui veut montrer qu'il n'a pas peur d'aborder certains sujets sans pincettes, malgré de précédentes accusations plus ou moins justifiées (à Cannes en 2001 ou pour la sortie de Manderlay). Et si c'est chose plus pardonnable, ça ne relève pas moins d'une grande bêtise. Cette bêtise on peut aussi se demander s'il ne faut pas la lire dans certaines explications psychologisantes et certains tweaks, notamment autour de la personne de Seligman, enfin ... passons ...
Je pardonne aisément à LVT les aspects déplaisants de son oeuvre tant celle-ci fourmille d'idées, d'instants de beauté classique, de fraicheur. Il n'y a que les cons qui osent tout, parfois ça donne Brown Bunny (Vincent Gallo) parfois des oeuvres scotchantes comme Nymphomaniac.
dillinger0508
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le 23 févr. 2014

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