Un thriller romantique et tragique qui est aussi le plus bel hommage que Brian de Palma pouvait offrir à son maître, Alfred Hitchcock.

Un richissime homme d'affaire, Michael Courtland, voit sa femme Elizabeth et sa fille Amy enlevées par un groupe de maîtres-chanteurs qui lui réclament une forte somme d'argent; sur les conseils de la police, il leur tend un piège qui se termine mal: mère et fille sont laissées pour mortes dans un accident de voiture. Bien des années plus tard, en voyage à l'étranger, Courtland visite une vieille église et croit reconnaître dans le visage d'une jeune femme, Sandra, celui de sa femme disparue...

Dès l'ouverture, l'univers du grand Alfred est clairement référencé: de Palma a travaillé avec l'un de ses compositeurs fétiches, Bernard Herrmann, dont les magnifiques compositions donnent au film une grandeur, une puissance formidables: le thème principal mêle dans un même morceau des mouvements angoissants, menaçants, funèbres et une partie plus mystérieuse, plus douce, plus fragile, rappelant son merveilleux travail sur "Vertigo" et "Pas de printemps pour Marnie". Ces deux œuvres constituent en réalité le véritable canevas d'"Obsession"; de Palma en reprend de très nombreux motifs (la transgression sexuelle, la perte insurmontable de l'être aimé) ;dans sa façon même de raconter son histoire,il ne s'éloigne jamais de sa source d'inspiration, en témoigne une caméra astucieuse, toujours en mouvement et une lumière diffuse très travaillée par le génial directeur de la photo, Vilmos Zsigmond: le film conquiert une véritable splendeur onirique, presque irréelle, qui nous place à de nombreuses reprises dans une position très particulière (la scène où Courtland revoit le visage de son épouse défunte pour la première fois est saisissante...est-ce un rêve? Une vision? Un souvenir?).

Comme très souvent chez Hitchcock, au cœur de l'énigme se trouve une femme...où plutôt deux femmes, incarnées par la fabuleuse Geneviève Bujold. L'actrice canadienne trouve ici son plus beau rôle; elle y dégage une présence exceptionnelle, une lumière magnifique , une aura, un charme juvénile et très naturel. L'extraordinaire flashback final est exemplaire: Sandra redevient brièvement l'enfant apeurée qu'elle était...Bujold est tout simplement inouïe dans cette scène; elle atteint des sommets d'intensité et pousse son interprétation vers des hauteurs rarement égalées.

Tel le héros de "Vertigo", qui façonnait la femme qu'il aime à l'image d'un souvenir, MIchael Courtland tente de modifier la démarche de Sandra; "Obsession" est en fait l'histoire d'un homme qui entre dans un tombeau (notons que le monument aux Morts qu'il a fait construire en hommage à son épouse avait la forme d'une église en miniature) pour reprendre à la Mort la femme qu'il a tant aimée et qu'il ne peut oublier. Comme Madeleine dans "Vertigo", Sandra est fascinée par la défunte, par son portrait.

Mais "Obsession" n'est pas qu'un témoignage de l'admiration de de Palma pour Hitchcock; le film trouve sa propre voix, s'élève vers une ambiguïté très originale et s'achève dans une danse ambivalente et flottante: en un panoramique vertigineux (et virtuose), le réalisateur enveloppe ses personnages avec amour, bienveillance, avec une certaine beauté terrible et ténébreuse.

On pénètre dans cette œuvre presque à tâtons, avec appréhension...et l'on en ressort bouleversé et transporté.

Frankoix
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le 4 juil. 2010

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