J’en reste bouche bée. Si le mythe dont je connaissais les grandes lignes m’avait déjà bien marqué, cette représentation qu’en fait Pasolini est d’une puissance inouïe. Rarement la dualité d’un homme tiraillé entre la passion et la raison n’a été exposée de manière aussi intense au cinéma. Œdipe Roi, vu par Pasolini, est une œuvre menée sur un rythme lancinant et, pour ma part, particulièrement envoûtant. On reconnaît bien ici le style visuel du cinéaste italien avec beaucoup de plans en caméra portée garantissant une immersion parfaite dans l’univers du film, au plus proche des personnages et de leurs tragiques destinées. Le film n’est pas uniquement fondé sur sa représentation mythologique mais va également situer son histoire dans l’Italie des années 20 et celle des années 60. Si cette narration éclatée se fonde d’abord sur une volonté autobiographique de la part de son auteur, elle marque toutefois et surtout l’intemporalité et l’universalité de cette figure humaine personnifiée par Œdipe. Le mythe est d’ailleurs représenté ici de manière d’autant plus universelle avec ses décors à la fois d’influence italienne, orientale et maghrébine.


Œdipe Roi est un film qui déroute. Par son parti pris narratif, par sa mise en scène épurée, par ses modifications du mythe de base avec notamment l’énigme du sphynx expédiée et plus généralement par le fait que l’Œdipe de Pasolini soit tout simplement un anti-héros. Un protagoniste craintif, menteur et dont les instants de sagesse sont vite remplacés par les accès de folie. L’interprétation perturbante de Franco Citti est d’une intensité incroyable. Pasolini était un antinaturaliste qui privilégiait l’expressionnisme au réalisme et je trouve cette utilisation très pertinente ici dans la mesure où elle souligne vigoureusement la dualité de son personnage. Et la descente aux enfers est alors ressentie de façon plus palpable, en ça l’interprétation est véritablement marquante. Œdipe Roi est une expérience de cinéma éprouvante et inoubliable, parmi les meilleurs films de son auteur. Un véritable chef d’œuvre, viscéral et perturbant.

Moorhuhn
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le 20 janv. 2016

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