Voilà un film que j'ai vu (à la télé, probablement) il y a une éternité et dont j'avais conservé un bon souvenir mais que je n'avais pas encore trouvé en DVD.
C'est un film extrêmement riche avec des personnages un peu hors du commun, sur une intrigue à plusieurs niveaux qui reste passionnante de bout en bout.
Pendant le visionnage, je me suis demandé s'il n'y avait pas une petite allusion au Maccarthysme dans le film. Et après quelques petites recherches, bingo. En 195O, Mankiewicz était président du syndicat des réalisateurs et a été ouvertement mis en cause par Cecil B. DeMille mais défendu par beaucoup de réalisateurs dont, principalement, John Ford. Ultérieurement, Mankiewicz aurait minimisé tout ceci mais il est quand même difficile de ne pas voir dans le pisse-vinaigre professeur Ellwell (joué par le génial second rôle Hume Cronyn), une fine allusion à l'atmosphère de suspicion qui régnait alors.
Pour rester encore dans le domaine des généralités, c'est le film préféré, à la fois, du réalisateur Mankiewicz et de l'acteur principal Cary Grant.
Le sujet principal, c'est le docteur Noah Praetorius (Cary Grant), gynécologue, patron d'une clinique et/ou maternité et professeur à l'université, qui connait beaucoup de succès et provoque des jalousies. Le bruit court qu'avant son installation à la ville, il n'était qu'un guérisseur (sans diplôme) dans un coin reculé de la campagne et y avait amassé une coquette fortune lui permettant d'ouvrir sa clinique. C'est justement le professeur Elwell, cité ci-dessus, qui mène l'enquête dont je m'abstiendrai de parler.
Par contre, je parlerai volontiers de ce docteur Praetorius qui se révèle être un médecin comme tout le monde rêve d'en avoir un. Plein d'une grande humanité, posant comme credo qu'il n'est pas là pour "soigner des maladies mais pour rendre la santé à ses patients". D'ailleurs, il exige de son personnel de s'occuper de patients et non pas de malades. Aussi, il croit en la vertu thérapeutique du dialogue avec ses patients et on le voit à plusieurs reprises désamorcer des volontés suicidaires en détournant l'esprit de son interlocuteur. Ok, on peut dire aussi, "en manipulant" le patient, mais quand c'est pour la bonne cause, n'est-ce pas, est-ce si important ?
"Comment savez vous qu’il est si terrible de mourir ? Cela vous est déjà arrivé ?"
Un homme mystérieux, Shunderson, le suit partout, dans une fonction apparente de factotum, interprété par un formidable Finlay Curie qu'on ne présente plus. Il est l'autre versant humaniste du docteur Praetorius dont on comprend peu à peu que la relation entre les deux hommes est basée sur une confiance absolue en la vie, dans une vision optimiste de la vie au sein de la nature, contre la mort, vécue comme un échec.
Il en sera de même dans la construction de la belle histoire de Deborah Higgins jouée par une formidable Jeanne Crain que je connais très mal, à part de l'avoir croisée dans un western de King Vidor "l'homme qui n'avait pas d'étoile". Ici, elle incarne un personnage déboussolé et qui a perdu l'envie de vivre lorsqu'elle apprend qu'elle est enceinte d'un enfant qui n'aura pas de père.
En cela, tous ces beaux personnages s'opposent à la bassesse, la petitesse d'un Hume Cronyn à fouiller dans la merde au nom d'on sait trop quelle morale et aussi à la mesquinerie doublée d'une bigoterie bien-pensante de l'oncle John de Deborah.
Oui, ce film est beau. On s'y sent bien. Il professe un humanisme optimiste, une croyance en l'individu, une croyance en la vie, matérialisée à la fin, comme si on n'avait pas compris, par les coups du bébé dans le ventre de sa mère. Oui, ce film coche les cases pour pénétrer dans ma liste des films capraesques.