On the Rocks
5.8
On the Rocks

Film de Sofia Coppola (2020)

Tout commence comme dans un magazine chic sur papier glacé, ouvert à la rubrique lifestyle qui détaillerait par le menu la vie de famille d’un couple aisé à New York, du bel appartement en plein Manhattan aux deux jolies petites filles épanouies, de la maman jeune romancière au papa start-up nation. Le cadre paraît idyllique, mais sourd de celui-ci quelque chose de l’ordre du non-dit, quelque chose de figé. D’abord parce que Laura, qui doit s’occuper seule du foyer, est en panne d’inspiration. Syndrome de la feuille blanche et charge mentale en sus : Laura a le sentiment de ne plus avancer. Dean, tout attentionné qu’il soit, est accaparé par son travail, mari aimant mais trop souvent absent.


Alors quand un soupçon d’adultère s’invite au tableau, Laura, flanqué d’un papa poule, Felix, coureur de jupons et convaincu de l’infidélité de Dean, décide d’en savoir plus, histoire de comprendre où en est son couple (et elle-même). Jeu de filature tendrement drôle dans un New York cocooning et jazzy (très Woody Allen finalement), et même au Mexique lors d’une escapade un rien rocambolesque, On the rocks permet à Sofia Coppola de renouer avec le film de duo (après Lost in translation et Somewhere) avec, toujours, la figure paternelle en évidente figure de proue (et celle de papa Coppola dans l’ombre). S’il s’agissait avant de s’en approcher (Lost in translation) ou de s’en rapprocher (Somewhere), il s’agit ici de s’en défaire, symboliquement (par un échange de montres par exemple).


Et parce que derrière la complicité filiale, deux conceptions du monde (ou plutôt la façon d’y vivre) s’opposent, l’un où l’on roule en voiture de sport décapotable, déguste du caviar si ça chante et sirote des cocktails à la table où Bogart demanda à Bacall de l’épouser, l’autre où la réalité reste étanche à toute excentricité, se déploie rarement plus loin que l’école de la grande et le bureau. Ce sont surtout deux visions des relations hommes/femmes que Coppola regarde se heurter, Laura comprenant qu’elle doit se détacher de son père et du standard familial (et relationnel) quasi anachronique qu’il incarne : celui de l’homme sans attaches, guidé d’abord par ses pulsions et qui, avec une femme (une proie), «ne passe pas par les émotions […] mais directement des yeux au cul».


Felix aura beau insinuer que Dean est comme lui (et, parce que c’est leur nature, tous les hommes), Laura cherchera, lors de leur «enquête», à aller contre, à saper les certitudes du saint pater. En dépit des nombreux thèmes abordés, assez consistants (le couple, le féminisme, l’engagement, la famille…), Coppola ne vise ni la thèse ni les grands discours. On the rocks préfère la légèreté, le pétillant, voire l’anecdotique. On pourra le lui reprocher (ce qui n’a pas manqué, le film étant globalement mal reçu) comme on pourra s’en satisfaire, surtout quand Rashida Jones et Bill Murray nous régalent d’un numéro père/fille émouvant et fantaisiste.


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
7
Écrit par

Créée

le 16 nov. 2020

Critique lue 248 fois

3 j'aime

mymp

Écrit par

Critique lue 248 fois

3

D'autres avis sur On the Rocks

On the Rocks
EricDebarnot
3

Shaken, not stirred !

On a coutume de faire un bien mauvais procès à Sofia Coppola : celui d'être seulement une "fille de...", une nantie vivant dans un monde de luxe loin de la réalité, seulement capable de filmer cet...

le 11 nov. 2020

18 j'aime

2

On the Rocks
morenoxxx
5

Vous êtes mignons mais... vous servez à quoi?

C'est l'un des premiers films produits par Apple avec le studio A24 et pour tout vous dire, c'est vraiment dommage, mais pas spécialement à cause du mode de fabrication du film. Enfin Apple, j'ai pas...

le 17 oct. 2020

10 j'aime

On the Rocks
pilyen
4

Trop tiède

La chiquissime Sofia Coppola est de retour sur....petit écran. Les fans devront prendre un abonnement à Apple TV pour pouvoir admirer cette nouvelle oeuvre(tte) vraiment taillée pour les soirées...

le 31 oct. 2020

8 j'aime

Du même critique

Gravity
mymp
4

En quête d'(h)auteur

Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...

Par

le 19 oct. 2013

180 j'aime

43

Killers of the Flower Moon
mymp
4

Osage, ô désespoir

Un livre d’abord. Un best-seller même. Celui de David Grann (La note américaine) qui, au fil de plus de 400 pages, revient sur les assassinats de masse perpétrés contre les Indiens Osages au début...

Par

le 23 oct. 2023

168 j'aime

14

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

161 j'aime

25