Dernier cru de la cuvée Tarantino, Once Upon a Time in Hollywood s'avère à juste titre être un conte qui décrit le désenchantement d'un mythe.


Point de huis-clos ici, mais plutôt une fresque qui s'attarde avant tout sur son époque. L'ambiance y est très plaisante, les journées radieuses et les nuits agitées, et à grand renfort de musiques et de néons sur les façades, nous sommes transportés dans cette ère prospère où il fait bon vivre pour les gens de la haute. Qui dit pop culture dit Cinéma, et il s'agit là du principal fil conducteur: c'est un film sur le Cinéma, où les acteurs sont une mise en abîme d'eux même. Tarantino tient son sujet de prédilection pour rendre ses références cinématographiques omniprésentes, car elles sont au cœur même du propos du film. Le récit s'articule ensuite autour de ses personnages, des icônes ayant tout de modèles de réussite : Rick Dalton est un acteur à succès, Cliff Booth son cascadeur et meilleur ami, Sharon Tate est d'une beauté fatale, et Roman Polanski le réalisateur le plus en vogue de l'époque. Mais sous cette couche de vernis se cache une réalité toute autre, celle que Tarantino va nous montrer.


Comment se défaire de l'image que l'on donne de l'autre côté de la caméra? Doit-on éternellement se cantonner aux mêmes rôles qui ont fait notre succès? Quelle trace allons-nous laisser aux yeux du public? Le cascadeur n'est-il que l'ombre de l'acteur ou peut-il lui aussi espérer une reconnaissance? Ces questions, parmi tant d'autres, vont se poser au spectateur et tourmenter les personnages, lesquels côtoient également l'envers du décor. C'est donc de la compassion que nous sommes invités à ressentir pour eux, lorsque leur désir de gloire peut conduire à une véritable crise existentielle.


Pour ne pas en dévoiler davantage sur l'histoire, sortons-nous enchantés de ce conte à la sauce Tarantino? Il sera plus difficile aux aficionados du réalisateur de retrouver leurs repères; les ingrédients récurrents de son oeuvre sont bien présents, mais égrainés de manière plus distillée, dirons-nous. Le film suit la vie de ses protagonistes sans qu'il y ait de réel fil conducteur, mais plutôt des petites histoires qui participent à faire la Grande. En somme, il y a de nombreuses scènes d'exposition, dont certaines ont tendance à s'éterniser sans être utiles à l'intrigue.


Les personnages ont quant à eux un traitement inégal, en dépit du casting 5 étoiles + dont nous a régalé Tarantino : Léo et Brad Pitt sont au top de leur forme, et livrent une excellente prestation sans que l'un ne vole la vedette (!) à l'autre. Margot Robbie est hypnotique dans son rôle de Sharon Tate, et incarne parfaitement la beauté ingénue du fantasme américain. Cela étant, son personnage ne présente finalement aucune réelle utilité dans l'histoire, si ce n'est une bien plus subtile sur laquelle je reviendrai. On aurait aimé la voir plus, et surtout la voir interagir avec son environnement, dont elle semble être une simple spectatrice. Le rôle d'Al Pacino laisse aussi sur sa faim étant donné le prestige d'un tel acteur: certes il est important pour l'histoire, mais ne l'est malheureusement pas à l'écran.


Pour ce qui est des autres, cela frise au choix le caméo ou la vaste blague. Prenons le personnage de Polanski par exemple, dont le temps à l'écran doit à peine excéder une minute au total : on le voit, on le voit plus, on le voit, on le voit plus, on le voit un peu, on le voit plus. Pour Charles Manson, prenez le dernier tiers de la phrase précédente. Et pour les autres, ma foi, c'est bien pareil.


Outre le traitement inégal de ses personnages, j'aurais aimé que ce revers du mythe hollywoodien soit davantage exploré, au lieu de n'être qu'une critique assez gentillette en fin de compte. Il aurait pu y avoir davantage de fantaisie pour dépeindre son époque, mais le réalisateur semble ici étrangement sage. Sans atteindre la décadence d'un Loup de Wall Street, je pense que Tarantino aurait pu aller bien plus loin dans la critique de cet univers faussement idyllique, où les chasseurs de gloire connaissent une traversée du désert, en quête d'une oasis qu'ils ne trouveront pas toujours. Mais il me semble que, après réflexion, la satire ne soit pas le vrai but recherché.


Le dernier segment, absolument jouissif, nous rappelle que c'est Tarantino qui est aux commandes, et nous fait comprendre le véritable sens du film depuis le début. Tout comme dans Inglorious Basterds, Tarantino réécrit l'Histoire, et quoi de mieux qu'un conte pour le faire? Sharon Tate a durant tout le récit été un magnifique leurre déjouant les attentes du spectateur. Rick et Cliff sont les deux héros qui lui permettent d'échapper à son funeste destin, et c'est par elle que la carrière éteinte de Rick va renaître de ses cendres. Une fin douce-amère lorsque nous gardons la réalité à l'esprit, et dans laquelle des hommes comme Rick et Cliff seraient condamnés à disparaître. Le sens des "..." révèle alors toute la tragique ironie du dénouement.


Au final, les personnages sont les héros de l'Histoire selon Tarantino, et ont permis jusqu'à leur plus modeste contribution de faire vivre un âge d'Or que le réalisateur affectionne tant.


J'ouvrirai en conseillant la série Bojack Horseman à tous ceux qui ont apprécié ce film, car elle prolonge ce travail de satire hollywoodienne de manière plus acerbe encore.

Darkgunner
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le 14 août 2019

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