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Avec Once Upon a Time... in Hollywood, Quentin Tarantino a décidé de se faire plaisir. Reconstitution soignée d'une année 69 à Los Angeles, probablement plus fantasmatique qu'historique -j'en reparlerai-, en y insérant un maximum de pieds féminins au cas où vraiment vous n'aviez toujours pas compris. Il se permet d'engager les meilleurs acteurs de leur génération pour porter un film sans même avoir réellement eu besoin de l'écrire. Il a même fait se déplacer monsieur Pacino, l'a mis en costume, l'a fait maquiller pour réciter quelques lignes qui, dans n'importe quel autre film aurait été déclamé en voix off par Morgan Freeman en pyjama, expliquant que Rick est un acteur vieillissant qui n'a jamais vraiment réussi à percer au point de garantir son étoile sur le Walk of Fame et qui est en train de brader son nom aux génériques des séries TV avec de nouveaux héros qui vont désormais lui botter le cul chaque semaine, même heure, même chaine, jusqu'à ce qu'il accepte de prendre sa retraite dans le midwest. On pourrait me rétorquer qu'il y a un intérêt à ce que Rick entende cette voix off, qu'on lui offre alors une raison de déprimer dès la scène suivante. Mais Rick ne manquera jamais de raisons de déprimer durant le métrage.


Un peu plus tard : rebelote ! Steve McQueen est maladroitement ressuscité et c'est un peu comme la version Frankenstein de McQueen posé au milieu d'une fête dans la Playboy Mansion qui sert de voix off pour expliquer à une figurante qui sont Sharon Tate, son ex Jay Sebring et bien sûr Roman Polanski. La seule spectatrice capable de communiquer avec Steve, la dite figurante, lui fait remarquer que Sharon Tate semble avoir un faible pour les petits garçons talentueux, loin de l'incarnation virile qu'était son interlocuteur, donc. Ah ! enfin quelqu'un qui souligne quelque chose qu'on ne savait pas déjà !
Une intervention si intéressante qu'on va faire l'impasse sur les apparitions de Bruce Lee en faire-valoir.


Evidemment, le film fait la part belle au thème de la vieillesse au travers de Rick qui admet lui-même être en train de glisser sur la pente descendante. Nombre de critiques font aussi grand cas de la maestria avec laquelle le film réécrit l'Histoire, faisant de la fiction cette chose extrêmement importante pour l'Humanité, car capable de surmonter tous ses traumatismes. Une idée auquel l'admirateur de Pynchon que je suis souscrit complètement ... Hélas, Once Upon a Time... in Hollywood écrit une fiction bien pauvre au regard de ce que fut la réalité d'un fait divers qui a, si ce n'est bouleversé, au moins accéléré une mutation de la pop-culture américaine. Pire encore, il passe sous silence des éléments pour mieux en appuyer un autre que nombre de critiques ont la pudeur de ne pas relever. A leurs décharges, il faut dire que Tarantino a planté un séquoïa pour cacher sa forêt.


Alors que Rick peine à faire son travail et qu'une jeune actrice de 12 ans (? non ... 8 corrige-t-elle) lui donne une leçon de professionnalisme, une autre de politesse puis, un peu plus tard, un bon point pour avoir bien travailler, sa doublure, Cliff, erre dans sur les routes de Los Angeles jusqu'à finir par prendre en stop une hippie. Elle aussi est mineure et elle aussi est agressive, mais d'une tout autre manière en lui proposant une fellation pendant qu'il est au volant. Lorsque Cliff arrive à destination, le ranch Spahn qui était autrefois un lieu de tournage de vieux westerns mais qui en 1969 sert désormais de squat au gang de Charles Manson, le film trouve enfin un peu de tension. Cliff explore et enquête dans un décor qui évoque désormais plus Massacre à la Tronçonneuse que Duel au Soleil. Pour tout monstre il ne trouve toutefois que des adolescentes, souvent affalées dans le salon devant la télévision, parfois enceintes, mais répondant autrement assez fidèlement au modèle de son autostoppeuse : jeune, jolie et sale. C'est probablement l'allégorie la plus criante d'Hollywood qu'on trouvera dans ce film. Pas le Hollywood d'avant la mort de Sharon Tate apparaissant dans bien d'autres scènes et qui tient plus de la vitrine d'un antiquaire spécialisé et un tantinet faussaire que du film documentaire, mais bien celui de l'après l'affaire Weinstein : un séduisant quinquagénaire avance à tâtons dans un décor de film d'horreur où les zombies sont remplacés par des nymphomanes barely legal. Et elles règnent désormais sur le village dont les cowboys ont été chassés. Pour Rick et Cliff, le danger c'est donc la jeunesse ... et plus particulièrement l'adolescente. Plus qu'ailleurs dans un script globalement paresseux, c'est ici que la fiction et la réalité se tressent le plus subtilement : l'asexué Cliff est le héros d'un film où apparaît Polanski, qui lui deviendra un paria justement pour une affaire de viol sur mineure quelques années plus tard.


Même si ce troupeau de lolitas est encadré par deux garçons de ferme, voila une teinte assez surprenante que Tarantino a choisi de donner à la Manson Family. Débarrassée de la drogue -on se contentera d'une simple petite allusion au LSD- et du satanisme -rendu à un détail à peine retenu par Cliff-, voire même du guru Charles Manson lui-même, il ne reste finalement rien d'autres que des nymphes provocantes à exorciser pour sauver l'Amérique.


Dans le conte de fée narré par Tarantino, on a donc moins peur du dragon que des petites princesses. On peut d'ailleurs regretter que le film s'arrête là où il aurait été bien plus amusant qu'il commence, puisque que Charles Manson court toujours et que le personnage de Sharon Tate semble avoir été si encombrant qu'on l'a laissé au cinéma toute une journée à ne rien faire d'autre que rejouer son rôle dans le film qu'elle regarde. Difficile de ne pas voir dans cette accusation de la jeunesse, plutôt que de vrais maux, un geste conscient de la part d'un auteur qui n'a jamais refusé l'obstacle de la violence et de l'extravagance dans ses précédents films. La réalité de ce que fut la trajectoire de Charles Manson se prêtait extrêmement bien à l'exercice et le final d'Once Upon a Time... dans un style plus grand-guignolesque que jamais, démontre que cet aspect du gang pouvait s'exprimer dans le film. Mais le réalisateur préfère faire comme si de rien n'était, il y a juste un type qui s'est trompé d'adresse et qui repart comme il est arrivé, et réécrire non pas que rien n'est arrivé ce soir là, mais que ce sont les jeunes femmes qui ont toujours été les plus grandes menaces planant sur Hollywood. La combinaison de son amour pour les histoires et de cette répulsion pour la jeunesse aboutit alors à un résultat qui se regarde, certes, sans ennui et avec la politesse dûe aux ainés, mais dont on ressort quand même légèrement mal à l'aise.


Un discours de vieux con, donc. Mais relativement logique et prévisible de la part de Tarantino : lorsque vous faites des références vintages obscures à 30 ans, vous êtes cool et érudit. Si vous continuez sur ce registre à 60 ans, vous êtes devenu un vieux con qui ressasse ses souvenirs à son avantage.

Sloth
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le 18 août 2019

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