Film expérimental, prestidigitateur, onirique.
Ce mythe d'Orphée revisité est assez déroutant. Esthétiquement irréprochable, avec ces présences magnétiques de Jean Marais et Maria Casarès qui se répondent parfaitement.
Il y a des choses que je trouve admirables et d'autres plus discutables. Le personnage d'Orphée est antipathique au possible et malheureusement ce traitement de personnage nuit au récit tout entier car comment s'attacher à lui et à sa relation avec Eurydice alors qu'il est absolument odieux avec elle ? Je comprends le parallèle entre le mythe d'Orphée (ne pas regarder sa femme) et le désintérêt de celui-ci pour sa femme. Je comprends aussi le rapport d'amour, d'obsession du poète pour la mort (ou sa mort) mais j'ai un peu de mal à comprendre où tout cela veut bien nous mener lorsqu'on apprend que de base Orphée s'en contrefiche d'Eurydice. Il va en enfer pour la sauver, soit, mais c'est pour mieux retomber dans les bras de sa mort qui d'ailleurs va se sacrifier avec le meilleur personnage (Heurtebise) pour sauver ce couple soit disant parfait. Il manque sans doute des scènes de complicité entre Orphée et Eurydice au début du métrage ou c'est sans doute intentionnel de la part du réalisateur car dans cette version Orphée tombe amoureux de sa mort et c'est là que réside la tragédie (qui finit bien pour le couple, seulement pour le couple).
Le symbolisme est de son côté somptueux avec ces miroirs qu'il faut traverser pour accéder aux mondes des morts. C'est de toute façon le gros point fort du film, cette incursion du fantastique par tout un tas d'effets spéciaux innovants comme la transparence, des séquences tournées à l'envers, le miroir liquide...Là la magie et la poésie opèrent, on est transporté dans un monde merveilleux et ça n'a pas vieilli. La bureaucratie orchestré dans l'au delà m'a aussi bien amusé avec ces convocations devant les juges qui sont tous des vieux en costards et la mort qui est relayé à une simple fonctionnaire. Il y a peut être un côté naïf ou intellectuel un peu appuyé ce qui pourra en rebuter plus d'un, surtout le public actuel qui a oublié comment rêver et qui s'amuse d'un rien.
Il faudra avoir l'esprit ouvert pour entrer dans l'univers de ce film et sa narration hautement symbolique. Mais on ne peut que s'incliner devant la forme de ce métrage qui arrive assez subtilement à brasser plusieurs mythe en un seul scénario, Orphée bien sûr mais aussi Morphée, Narcisse tout en dispersant quelques allusions de la tradition antique dans les décors et le physique de certains personnages mais aussi à la période d'après-guerre (message radiophoniques scriptés , les motards ressemblant à des soldats allemands et la fin du film aussi avec "la mort" et Heurtebise qui sont emmenés par ces fameux motards dans des ruines, comme s'ils allaient se faire fusiller).