C'était inquiétant d'entendre Bedos annoncer vouloir faire du "politiquement incorrect" dans OSS 3. En comédie, il vaut mieux éviter de promettre un rire avant de raconter une blague.


Pourtant, cet aspect du film est pour moi une réussite. À l'époque d'une auto-détestation nationale à son faîte, le personnage de Hubert Bonisseur de la Bath est plus chauvin que jamais, ce qui donne de beaux gags sur l'érotisation francophile (Giscard projeté sur le corps de la meuf de Casino Royale, l'astuce pour "monter les couleurs"...).


Au temps de Black Lives Matter et des délires schizophrènes sur les racisés, le privilège blanc et l'hétéro-patriarcat, les gags machistes et monologues sur les Africains de l'agent sont extrêmement drôles, en plus d'être - je dois l'avouer - assez osés. Les saillies sur les homos sont un peu en-deça cela dit ("on cherche un mercenaire, pas un mignon", bof), quelque chose à travailler pour le 4 ?


Le mauvais esprit zélé d'OSS 117 3 soulage. Il me semble plus corrosif que les deux précédents et peut-être plus indispensable en 2021 que dans les années 2000 où l'idéologie ultra-individualiste n'avait pas encore saturé les cerveaux.


Assurément, Jean-François Halin a fait du bon travail. Normal pour un auteur des Guignols de l'info et de Groland, qui a pu polir son style d'espionnage satirique français avec sa série "Au service de la France".


L'énorme reproche que je fais au film est plutôt au niveau de la réalisation. Bedos a été révélé au grand public par ses chroniques humoristiques, mais c'est avant tout l'auteur de pièces de théâtre "sérieuses" et de films dramatiques.


Le film est très beau, avec son style vintage années 80 qui passe par les décors, l'habillage graphique et la musique entre les Ripoux et les James Bond classieux de l'époque. C'est beau et bien fait, mais il y a quelque chose qui ne va pas.


Bedos commet des erreurs de mise en scène comique en appliquant un vocabulaire filmique inadapté, appliquant une musique dramatique aux mauvais moments ou découpant certains gags comme du James Bond.


Exemple avec la scène où Hubert trifouille la narine d'un zèbre empaillé : on revient trois fois sur ce plan (beaucoup trop) et le plop final du retirage de doigt est encombré d'un travelling arrière hors-sujet. Un dispositif beaucoup trop chargé pour un gag très mineur qui aurait nécessité un plan fixe simple tout juste signalé par un plan monté quelques secondes.


Pareil pour l'échange avec Pierre Niney qui, agacé d'être interrompu par les mercis obséquieux de Dujardin, proteste une deuxième fois exactement de la même façon. J'ai du mal à comprendre comment Bedos, qui a quand même des notions en comédie, n'en applique pas une des règles de base : ne jamais répéter une blague.


C'est plutôt dans ces moments que je me suis pris à regretter Hazanavicius qui gérait extrêmement bien le rythme et le cadrage comiques. Bedos est un réalisateur dramatique inégal sur la comédie et Hazanavicius est un réalisateur comique très mauvais en drame.


Malgré ça, j'attends avec impatience la suite, en espérant que Nicolas muscle son jeu ou que Michel revienne.

GiorgiodeRoubaix
6

Créée

le 14 août 2021

Critique lue 147 fois

Critique lue 147 fois

D'autres avis sur OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire
Grimault_
3

Le temps béni des colonies

Faire une suite à un diptyque désormais culte a tout du projet casse-gueule. D’autant que Michel Hazanavicius est parti et que c’est Nicolas Bedos aux commandes. Certes, ce dernier a fait ses preuves...

le 4 août 2021

120 j'aime

20

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire
Moizi
4

Cette fois il se contient ! (ça tourne mal)

Je ne sais pas trop quoi penser de ce troisième volet d'OSS 117... les deux précédents étaient les seuls films de Michel Hazabidus que j'aimais bien et la reprise de la franchise sans lui, avec un...

le 7 août 2021

81 j'aime

1

Du même critique

Metropolis
GiorgiodeRoubaix
4

Il é tro bo

Toute mon appréciation de ce film tient dans une phrase de Buñuel : Metropolis est d'après lui « le plus merveilleux livre d'images qui puisse se composer ». (Ce à quoi j'ajoute quand même : « ... en...

le 11 avr. 2011

48 j'aime

28

La Chèvre
GiorgiodeRoubaix
9

Chef-d'oeuvre franchouillard

Oui, Veber ne peut pas s'empêcher de nous coller une intrigue mafieuse nanardesque (et il fait que des buddy movies, il sait rien faire cet homme-là, alors). À chaque apparition du truand...

le 18 nov. 2010

33 j'aime

3