La médiocrité, un fonds de commerce essentiel

Pourquoi s'embêter à créer et faire des œuvres artistiques alors que pondre de simples films ternes à la vulgarité absolue satisfassent le porte-monnaie des plus grosses industries cinématographiques ? Négliger la qualité, et produire en masse pour les masses et ainsi bénéficier de masses de billets verts, tel semble être la ligne de conduite hollywoodienne. Cela n'est pas une nouveauté, mais depuis environ une dizaine d'années les bénéfices les plus importants se divisent en deux grands courants, les films de superhéros et les films d'horreur. Il y a ceux qui coûtent extrêmement cher, mais qui rapportent des sommes astronomiques, puis les autres dont l'investissement est moindre, mais qui sont à quelques exceptions près tout aussi rentables, avec The Blair Witch project comme exemple incontournable.


L'émergence du found footage est en effet apparu comme une aubaine capable de véritables miracles financiers, le premier épisode de la franchise Paranormal Activity en est la parfaite illustration, un humble investissement de 15 000 dollars pour finalement 200 millions de recettes. Alors même si le dernier opus est loin des succès précédents, il réussit néanmoins à remplir les poches du grand mac hollywoodien et puis même s'il ne le fait plus, d'autres films de qualité plus que douteuse s'en chargeront à sa place, souvenez-vous du phénomène Annabelle ; 6,5 millions de budget pour 200 millions de dollars de recettes...


Reboots, prequels, remakes, c'est la même rengaine, se reposer sur les franchises encore et toujours, et même s'il n'est pas question de suites à proprement parler, les sujets se répètent et s'usent jusqu'à la moelle. La société de production Platinum Dunes créée par entre autres Michael Bay est d'ailleurs spécialisée dans le remake (Hitcher, Massacre à la tronçonneuse : Le Commencement, Vendredi 13 etc...), mais depuis quelques années elle se permet quelques petites créations originales, avec ce même niveau de médiocrité, telles que les American Nighmare ou le Ninja Turtles.


Cette année nous avions droit à Ouija, un film « horrifique » au ressort spirituel. L'Ouija est un objet servant à contacter des spectres lors de séances de spiritisme, il se présente sous la forme d’une planchette de bois en forme de goutte, supportée par trois roulettes. Chaque participant doit poser ses doigts sur la planchette, et on invoque les fantômes qui avec un peu de chance (ou de malchance, c'est selon) la font bouger. Même si le sujet (mainte fois repris, certes) pouvait donner lieu à une dimension ésotérique et une occasion de citer par exemple le très grand Dario Argento ou s'appuyer sur d'autres balises référentielles, il n'en est rien de cela, le film est seulement une énième néo-variation autour du thème, en pire.


Ouija fait effectivement partie de ces films ou il n'y a absolument rien à sauver simplement parce que la production et l'équipe du film ne se sont nullement investis humainement. Cette obsession de l'argent corrompt toutes les motivations et surtout étouffe toute créativité potentielle. Cependant avec un budget de 5 millions d'euros il y avait de quoi raconter une histoire potable, les 1, 5 millions d'euros d'Insidious avaient donné un résultat plus que bon, la différence majeure qui distingue les deux réalisateurs est la passion, il y en a un qui croit à ses sujets.


Un résultat proche du néant, une mise en scène scandaleuse, un pitch inintéressant au possible, le rythme est schizophrénique et le montage calamiteux, même les simples jump scare qui sont assez symptomatiques du genre horrifique d'aujourd'hui sont mal exécutés. La photographie n'est que la pâle copie d'autres photographies qui sont la pâle copie d'autres photographies pompées sur James Wan (d'ailleurs l'actrice principale ressemble étrangement à Rose Byrne jeune). Le maquillage et les effets numériques sont d'un ridicule ahurissant, c'est à se demander à quoi ont bien pu servir les 5 millions d'euros... Peut-être à faire la promotion d'une pareille ineptie ?


En effet, avec la baisse des coûts de fabrication, les budgets des films d’horreur sont déplacés sur le marketing, depuis plusieurs années déjà les plus gros studios adoptent des stratégies de distribution agressives axées sur le premier week-end de sortie, ce qui implique d’énormes investissements dans la publicité. Un phénomène malheureusement plus visible dans l'industrie cinématographique hollywoodienne, mais qui existe aussi dans le cinéma français voire même dans le monde du théâtre. Un véritable business florissant et uniformisant qui semble avoir enterré toute notion du cinéma d'auteur, de la pureté et la singularité de la création... Le dessinateur Georges Wolinski a dit que les époques les plus dégueulasses étaient propices aux chefs-d'oeuvre, sur l'échelle du « dégueulasse » le niveau culmine, si le caricaturiste dit vrai, le cinéma d'horreur devrait bientôt accoucher d'une nouvelle bête féroce inespérée.


http://www.lekinorama.fr/critique-ouija

Arlaim
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le 4 mai 2015

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