Où est passé Kitano ? Où sont passés sa poésie, son humour, sa mélancolie, sa noirceur, sa folie ?
Avec Outrage, il ne livre pas un mauvais film, loin s'en faut. Il n'a pas perdu sa maîtrise lorsqu'il s'agit d'orchestrer des explosions soudaines de violence et certains plans du film témoignent qu'il y a bien un grand derrière la caméra. Mais ce film de yakuzas est bien trop littéral, loin, si loin de l'excellent Sonatine. Plombé par un scénario d'une inutile complexité, il souffre d'un rythme hachée aux antipodes de ce qu'a été capable de nous offrir le réalisateur dans ses meilleures oeuvres. Cette succession de courtes scènes ne convient pas à un auteur qui a besoin de temps pour développer son regard. Tentant des choses qu'ils ne maîtrise pas, il affiche ses limites et aux quelques plans très réussis répondent d'autres qui tombent complètement à plat ou frisent le grotesque.
Étrangement, Beat Takeshi lui-même, dans son rôle d'Otomo, semble peu convaincu. Il livre une prestation bancale que ses tics ne parviennent pas à sauver. Bien sûr il aime se salir les mains, mais à plus de soixante ans, ne serait-il pas temps pour lui de quitter ses oripeaux de yakuzas sans envergure ? On l'imagine bien dans le rôle de Sanno, ce grand patron manipulateur, où son jeu économe et son sourire sardonique feraient des merveilles.
Au finale cet Outrage n'est pas déplaisant à regarder. On ne peut s'empêcher cela-dit d'être déçu tant on attend plus de celui qui nous a offert un chef-d'oeuvre comme Hana-bi ou un premier film aussi puissant que Violent Cop.