Pourquoi les fans de Kitano ne mentionnent-ils jamais ce film lorsqu’ils évoquent les bijoux de sa filmographie ?
C’est étonnant, sachant qu’il représente vraiment une forme d’aboutissement de toutes ses réalisations passées. À l’écran, on ressent la fin de quelque chose : la fin d’une ère cinématographique, d’une ère socio-historique au Japon, marquée par les heures de gloire de la mafia au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et enfin la fin d’un style et d’un genre si riche, celui du cinéma de Yakuza. L’exécution finale ne pouvait être accomplie que par l’un de ses plus éminents artistes.
Car Kitano commence à se faire vieux en 2010. Il n’en a plus rien à faire de ce monde, auquel il ne comprend plus grand-chose. Plus de valeurs, plus de codes : les clans de Yakuza sont voués à disparaître. L’ancien temps semble mourir, et le nouveau tarde à apparaître. Au milieu de tout ça, il ne peut rester que violence et nihilisme, deux des thèmes phares de l’ancien humoriste.
Se mettant lui-même en scène, toujours aussi renfermé et énigmatique, Kitano participe à cette hyper-violence qui explose comme symbole du nihilisme ambiant, tout en semblant en prendre une grande distance. Tout comme dans Sonatine ou Hana-bi, la fuite demeure une option posée sur la table, qu’il décide finalement de choisir — trop tard sans doute. En proie à ses propres démons, son suicide théorique (dont il ne fut pas si éloigné à la fin des années 90) n’est jamais loin.
Symbole d’un cinéma d’auteur japonais qui a connu son heure de gloire, Kitano sait que c’est la fin, peut-être à l’image de son pays et de sa mafia qui aujourd'hui a quasiment disparu du paysage social et politique.
Magnifique film. Comme d’hab j'ai envie de dire, c’est Kitano.