Le plan-séquence est affaire de morale

De Palma au Vietnam ... De quoi s'attendre à un brûlot sévère et sans concessions. Et c'est un peu ce que le film est. Casualties of War porte bien son titre et ne manque pas de violence morale. La séquence du viol est terrible. Mais, De Palma est un maniériste. On le sait. Et c'est loin d'être un souci quand il oeuvre dans le thriller théorique à la Snake Eyes, le film d'espionnage ou l'épouvante. La mise en scène de Brian de Palma est reconnaissable entre mille parce que, comme chez Welles, c'est la caméra qui s'annonce. C'est une mise en scène particulièrement appuyée, presque m'as-tu-vu parfois. Mais le réalisateur est aussi un virtuose de la manipulation et des dispositifs de cinéma, toujours en quête d'efficacité formelle.

L'efficacité formelle ne manque pas dans Casualties of War. Mais, parce qu'il y a un mais, ici le maniérisme de De Palma est quelque peu déplacé. Le cinéaste aborde un sujet sensible mais sa mise en scène, très efficace c'est vrai, sonne comme une provocation. Elle est trop hollywoodienne, trop pompeuse, voire sirupeuse. Sean Penn en fait des tonnes dans la performance, et De Palma surjoue la carte du lyrisme et du sensationnalisme à la place de celle de la réalité historique. Tout est trop manichéen. Bien sûr, et comme toujours chez De Palma, l'ensemble est grinçant et particulièrement ironique. On devine le cynisme du cinéaste derrière cette forme de crescendo tragique.

Forme qui n'est pas sans évoquer d'autres films du monsieur. A commencer par Scarface. Ou l'Impasse où le formalisme de De Palma et sa tonalité tragique accouchait au final d'une grande oeuvre américaine, à la fois bouleversante et particulièrement efficace. Mais ici, le sujet est dur et on peut trouver ça moralement limite.