Greasers aux grands coeurz' !

En allant voir une nouvelle fois Apocalypse Now au cinéma, l'autre soir, j'avais envie d'en écrire une critique, encore, mais celles des films parfaits sont les plus laborieuses, on voudrait dire tellement de choses, avec exactement les bons mots, il y en a des biens, des fois, mais j'en suis plutôt incapable. C'est un peu triste, alors je me venge sur d'autres films. Restons un moment dans Coppola. Passés le trio de tête, il faut avouer que sa filmographie faiblit. Apocalypse now, donc, trop dur. Le parrain, c'est pareil, c'est trop grand, trop dense, il faudrait se perdre ou choisir un axe symbolique, mais bon. Il restait bien Conversation secrète mais la parano Nixonienne n'était pas non plus d'mon gout. Là dessus, j'avais décidé d'arrêter avec Francis Ford, on avait vécu notre histoire, et c'était bien comme ça, ça avait laissé un goût de perfection à nos souvenirs. J'voulais pas tout salir avec des trucs comme Jack ou son horrible segment de New York. Et pourtant, j'avais ce film-là à regarder, sans être capable de me souvenir pourquoi. Le matin, j'regarde un peu n'importe quoi.

Quand Francis n'a plus d'idées, quand Francis est fauché, il fait des films pour les studios, pour renflouer, pour passer le temps, et aussi pour les enfants. Sofia allait sur ses quatorze ans, c'était l'occasion. Alors voilà, c'est des petits greasers, vous savez, les blousons noirs, les cheveux gominés, John Travolta sans Olivia Newton John, et ce sont tous des petits branleurs : ça traîne, ça s'faufile, ça vole, ça s'tape, ça fume alors que ça a pas même l'âge. Ca vit sans parents dans un squat' avec des grands qui passent le fer à repasser, ça boit de la bière au petit déjeuner mais en regardant des dessins animés. Là, notre héros, il a quatorze ans, le regard lointain, la tête dans ses rêves et pas de parents, le bonheur, non ? Il fait rien de bien de ses journées avec son pote Dall', qui est grand pour trainer avec des petits mais bon, et son copain d'son âge, il est un peu amoureux de la petite rousse, on l'appelle Cherry parce qu'elle s'appelle Sherry, et ça serait cool si c'était pas une Soc !

Même au coeur du monde capitaliste, la guerre des classes tu peux pas lutter. Les Socs c'est les mecs avec des pantalons de lin beige, des chemises de couleur, des cheveux blonds - ah oui, parce que les greasers sont bruns de pères en fils - et des voitures de bourgeois. C'est des cons eux aussi, mais des cons riches. Genre, régulièrement, tout le monde se bat pour voir qui c'est les plus forts : c'est le Rumble ! Rien de très jungle, de la boue et de la forêt, mais c'est la bagarre du mois, tout le monde vient et on s'la met dans la joie et la bonne humeur. C'est cool d'être un greaser. Du coup, la haine, Roméo et Juliette tu vois. Pire, elle a un mec, C/Sherry ! Un autre con, et au début il se la ramène pas mal, il veut taper les petits, et là, le mec il se prend un coup de couteau. Mauvaise ambiance. C'est comme ça que le film bascule. Je voudrais pas tout vous raconter mais on regarde des levers de soleil sur la plaine, on récite des poèmes de Frost, on lit Gone with the wind exilé dans les ruines d'une église.

C'est affreux, je veux pas vous en dire plus, mais ça continue comme ça, pendant une heure et demi, et je n'y crois pas vraiment. C'est plein de bonnes idées et de bons sentiments qui se mélangent dans une grande soupe. Je continue à penser que ce film est pour Sofia, il faut voir cette petite gosse riche dire à ce petit branleur de pauvres, "La vie c'est dure aussi pour les riches.", et l'autre qui la regarde avec tendresse. Pauvre Double-F, ça n'doit pas être facile tous les jours, ce fossé entre la pauvreté italienne originelle et sa débordante fortune de producteur ; il y a un peu de ça dans Outsiders, une vengeance sociale glissée dans un film pour branleurs.

Et soudain, j'ai compris, je me suis souvenu en voyant la bouteille de Peroxyde sortir du carton d'asperges.

J'oubliais, il y a un jeu assez rigolo glissé dans le film : il faudra reconnaître Matt Dillon, Patrick Swayze, Rob Lowe, Emilio Estevez et Tom Cruise ! Cool, non ?
J. Z. D.

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