Pacifiction, c'est un film qui pourrait laisser croire, avec sa bande-annonce et son résumé, à un film classique. Si on ne connaît pas Albert Serra, on peut s'attendre à un film d'espionnage palpitant sur le thème très rarement (jamais ?) abordé au cinéma de la tension entre Tahiti et la métropole. C'est séduisant comme idée. Pourtant le film n'est vraiment pas palpitant : on se fait, à vrai dire, sacrément chier.

Pendant la première partie, on va voir Benoît Magimel déguisé en Johnny Depp jouer au petit diplomate, aller voir des gens, leur dire de la fermer ou leur dire qu'il va aller la faire fermer à d'autres, tout en menant une enquête façon vieille série française. C'est interminable. C'est là où, si vous le regardez au cinéma, la moitié des gens de la salle se barrent, la série de plan fixes n'aidant pas vraiment pas à porter un intérêt à quoi que ce soit. On se retrouve aussi tout au long du film face à des tirades sociétales qui frôlent le ridicule et enfoncent des portes ouvertes, ce qui est un peu agaçant. On pense comprendre très vite le propos, et Serra continuant à le rabâcher est ennuyant au possible, surtout quand c'est pendant 2h45. Alors, on se satisfait des moments simples, où notre haut-commissaire va sortir un peu des petits bars dansants et des réunions interminables avec des gradés alcooliques pour aller assister à des compétitions de surf (filmés de loin, ne vous excitez pas trop), pour faire des vols en avion, ou assister à des danses "barbares" (ce sont les propos employés par le personnage). On apprécie, car ça nous permet de nous faire profiter de l'environnement magnifique que propose Tahiti, et qu'en bon colon que nous sommes, on se dit que ce serait bien dommage de l'abîmer.

Car oui, c'est en sortant de la salle qu'on comprend que ce sentiment était calculé. Le film nous laisse ressentir en nous cette admiration distante, cette appréciation lointaine de ce monde qui, bien que faisant partie de notre pays, nous met à l'écart par son exotisme. Le haut-commissaire De Roller en est le plus beau exemple, car malgré sa bonne volonté à aider et comprendre la population, il en est impuissant. Il n'est pas chez lui, et le fait qu'il parle régulièrement de son départ appuie le fait qu'il n'est pas concerné par les enjeux pour lesquels se battent la population. La deuxième partie nous laisse ressentir le danger au travers de séquences psychédéliques, presque lynchiennes, des marins dansants sur leur action héroïque : un sacrifice nécessaire. En résulte un sentiment d'amertume qui reste longtemps en bouche. Une expérience très intéressante en somme, si on est pas fâché avec l'ennui.

Brewwal
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le 16 nov. 2022

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