L'amour ne connaît ni frontière, ni religion, nous disait Sanjay Leela Bhansali dans son générique de fin de Bajirao Mastani. Quel dommage alors que l'Inde ne puisse l'entendre et que le cinéaste revoie sa copie.

Alors que l'extrême droite indienne au pouvoir boycotte le film supposé intégrer une scène d'amour entre un musulman et une hindou, les musulmans le boycotte par une relation homosexuelle qu'elle suggère et le réalisateur d'y apporter sur le premier point un changement d'écriture tout en le renommant Padmaavat (à propos de) pour ne pas rendre son personnage fictif comme seule vérité historique.

Pourtant le cinéaste adapte la version du poème indien du XVème siècle dont on ne sait s'il s'agit de faits réels mais Padmavati comme d'autres reines à cette époque et jusqu'au XVIIIème, reste dans la mémoire collective pour avoir combattu l'envahisseur musulman, s'être immolée plutôt que de se soumettre et rejoindre son époux mort au combat.

Padmaavat semble presque à l'identique de Bajirao Mastani dans son déroulé épique, son intrigue romanesque, et dans l'imagerie féminine du don de soi. Reste que la seule légitimité d'existence d'une femme par le désir qu'elle suscite et le dénoncer tout en dédouanant en même temps la culture indienne, pose question.

Sanjay Leela Bhansali semble vouloir en tout cas nous démontrer sa maîtrise de son grand spectacle et de ses seuls atours de décors somptueux au détriment du reste qui aura tendance à tourner dans le vide. Trop lisse, les personnages glissent sans accroche et sans complexité. Sans que Bajirao ne l'atteigne vraiment non plus, il avait pour lui un peu plus de légèreté.

Mais du mythe ou de la réalité, les personnages sont blancs ou noirs ou accessoires.

Le maradjah Rajput Maharawal Ratan Singh, l'époux de Pavdamati (Shahid Kapoor) est hindou, droit dans ses bottes et poli.

Le Sultan Alauddin Khilji  (Ranveer Singh) est fou furieux, parfois plaisantin et assez inquiétant et l'acteur détonne. Tout à coup passionné pour une femme qu'il n'aura jamais vue, il ménera une guerre meurtrière contre le royaume de Chittor - si ce n'est que le personnage réel était plutôt raffiné et bienveillant-.

L'intelligente et combative Pavdamati, (Deepika Padukone) sans que l'on juge vraiment de l'un ou de l'autre, déçoit et joue tout du long des mêmes expressions et du seul même regard, concentré et lointain. On la préfère encore une fois dans Bajirao.

Pavdamati censée être chasseresse et guerrière, sans suite à venir pour le vérifier, gambade tranquillement dans son Eden, rate sa cible et blesse de sa flêche, tel Cupidon, le maradjah qui se baladait tout aussi tranquillement dans le coin. Le pouvoir de l'amour chez les indiens a ce côté rafraichissant par sa facilité à introduire comme de bien entendu la romance et prête souvent à sourire par sa candeur.

Malik Kafur (Jim Sarbh) qui dans la légende est un perroquet craintif, reprend le rôle du conseiller du Sultan, sans que l'on puise en vérifier la légitimité non plus. Gandharva le traître au Rajput (Manish Wadhwa) pour un chamane par qui le malheur arrive, finalement si peu versé dans le spirituel, à trop désirer, lui aussi la belle Pavdamati.

Mais l'essentiel n'est pas là. La catastrophe annoncée par le Sultan et de toutes ses bassesses pointe en filigrane les conquêtes de territoires, et permet surtout au réalisateur et à défaut d'en apprendre plus, de proposer une série de combats. S'ils semblent plus travaillés et plus réels, il existe toujours un souci dans la gestion du mouvement, du cadre et des plans de caméra. Entre le portrait de ses personnages aux moments bien bavards et peu dynamiques, l'action presque bâclée par la brièveté et coupure des scènes et une temporalité de lieux et de temps défaillants par les divers déplacements, sans soublier la multitude de ralentis, la frustration gagne par un défaut de rythme et de longueurs tout autant que de scènes expédiées.

On passe de l'une à l'autre, d'un champs de bataille poussiéreux à un intérieur raffiné, sans que la tension, le spectacle et les émotions, n'arrivent à nous saisir. On regrette aussi les seuls chants pour introduire une action. Ces interludes n'auront pas l'effet des furieuses chorégraphies dansées et les deux présentées sont peu emballantes, d'autant qu'une danse guerrière que l'on attendait avec jubilation n'aura pas le même impact communicatif que celle de Bajirao.

Alors on apprécie le duel final qui, dans son laborieux, permet de s'imaginer les difficultés de combat par la lourdeur d'une armure, d'une arme ou d'un bouclier. et pour le coup de la légitimité de la rapidité d'exécution, même si l'on sait que l'on ne tourne pas le dos à l'ennemi.

On remarque les très beaux costumes, manteaux au vent et Pakol sur la tête et le réalisateur ne démérite pas dans son sens de l'esthétisme et du baroque.

On y apprécie encore un moment de poésie lors d'une lecture du Sultan pour ses hommes. On pense alors à A.Shah Massoud lors de sa lecture de recueil à sa tribu de chefs de guerre Afghans. La langue persane nous plonge dans la nostalgie des si belles intonations perdues du commandant du Nord.

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le 12 août 2022

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