Des films de Gus Van Sant, on pourrait tirer un précepte toujours appliquable : c'est quitte ou double ! Empruntant ça et là ses ingrédients préférés (on notera une accroche récurrente avec l'adolescent aux cheveux longs), il nous livre avec son dernier film, Paranoid Park, un sujet de discorde supplémentaire quand à l'appréciation globale que l'on doit lui réserver. On peut y voir un excellent film, "vertigineux" (Télérama), ou bien ne pas être emballé plus que ça.

L'histoire se résume assez brièvement. Alex, adolescent skateur de Portland, est entraîné par son pote Jared au Paranoid Park, parc de skate "sauvage" construit et tenu par une bande de marginaux, lieu de rendez-vous incontournable et initiatique d'une adolescence fervente utilisatrice de la planche à roulettes. Alors qu'il rentre chez lui après une soirée au Paranoid Park, Alex tue accidentellement un agent de sécurité, qui meurt coupé en deux sur un rail voisin. Il rentre chez lui, se change, n'en parle à personne. Il est finalement interrogé par un détective, mais aucun aveu n'est fait. Générique de fin.

On trouvera à ce film tourné en alternance de Super 8 et de 35mm de lourdes insuffisances et des passages intriguants à l'utilité difficile à défendre. La critique voit l'ensemble de ces insuffisances comme un point de vue original et décallé, un style artistique à part. On avait oublié que le non-style était un style en soi.

Il ne se passe rien, c'est une histoire avec un début pâlot et une fin inexistante qui est découpée en une vingtaine de morceaux, mis bout à bout après avoir été mélangés, constituant un ensemble sans chronicité. Comme si ça n'était pas assez éprouvant, Gus Van Sant insère ça et là des minutes de pellicules que l'on peut qualifier d'OVNI, des morceaux parasites, comme cette longue minute où l'on voit l'eau couler sur les cheveux d'Alex qui prend une douche, sur fond musical désastreux.

Comme pour l'Art Contemporain, le message n'est surement pas dans la forme mais dans le fond, accessible aux seuls esthètes que l'on retrouve toujours "complètement émerveillés" par le même genre de films. Il faut donc chercher du côté des acteurs, recrutés sur MySpace, pour trouver un peu de sens à ce film. Gus Van Sant a dû vouloir nous révéler quelque chose sur l'émotivité chez les jeunes, et plus particulièrement, cette absence d'émotivité. Alex, contemplant le vigile coupé en deux, encore vivant, dont la moitié supérieure du corps se traine péniblement vers lui, sans une seule émotion visible dans son regard. Il paraît que c'est ça, le pilier du film : les jeunes n'éprouvent plus rien.

Une véritable découverte...
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le 13 nov. 2010

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Brice B

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