[SPOILERS]
Parasite : Personne qui vit, ou prospère aux dépens d'une autre personne ou d'un groupe de personnes.
On se démène parfois pour trouver sens au titre d'une œuvre, cherchant les voies métaphoriques les plus évidentes pour le relier à son contenu. Ici, nul besoin de creuser son esprit davantage que nécessaire. Les parasites, ce sont les membres de la famille Ki-Taek, qui survivent désespérément à quatre dans l'entresol d'une demeure qui tient plus l'allure d'un bourbier que d'un véritable logis.
D'entrée de jeu, Bong Joon Ho marque de façon brute l'énorme clivage social qui sépare les classes populaires des fortunées, faisant écho à la condition de la société sud-coréenne : les Ki-Taek parqués dans leur sous-sol plient des boîtes de pizza dans le souffle éradicateur du gaz anti-cafards alors que la famille Park se questionne sur les capacités artistiques et linguistiques de leur progéniture. C'est avec un tour de maître que le réalisateur reliera chacune de ces existences.
Mené par un casting incroyablement convaincant, la première heure est un vaste artifice mené avec brillance. Le spectateur se questionnera furtivement sur des questions morales avant de s'abandonner aux trésors d'ingéniosité que déploie la famille Ki-Taek pour parasiter l'existence des Park. C'est drôle, subtil, satirique à souhait. Bong Joon Ho arrive avec intelligence à casser les traits de caractères habituellement prêtés à chacune de ces classes sociales : Ici, les riches ne sont pas manipulateurs et machiavéliques. Ce sont les pauvres qui le sont. Mais doit-on leur en vouloir ?
La suite de l’œuvre ne fait que sublimer sa première partie. Parasite subit une métamorphose inattendue propulsant l’œuvre sur l'horizon cinématographique multi-genre. Comédie, Thriller, Drame... Parasite mute. Le spectateur lui, se perd avec jouissance dans ce nouveau labyrinthe visuel.
On se délecte sans concession des limites du scénario qui ne cessent de nous surprendre, à l'instant même où nous avions pensé saisir les ficelles que tire avec maîtrise le réalisateur. Mais c'est sans compter l'enjeu politico-social, jamais perdu de vue par Bong Joon Ho tout au long du film, dont l'impact sur le spectateur réside dans sa capacité à exploiter l'intégralité de nos sens.
Ainsi, rien de plus naturellement manichéen que l'espace attribué à chacune des deux familles de protagonistes. L'angoisse de l’exiguïté des murs sombres de l'entresol où les Ki-Taek grouillent comme des cafards, repliés sur eux-même à quatre pattes. La gracieuse demeure lumineuse architecturale où les Park déploient leur ailes comme des grues. Les éléments, aussi : la pluie et le tonnerre fracassants qui s'abattent sur les va-nu-pieds n'ayant même pas une tente sous laquelle s'abriter. Enfin l'odeur : celle de la piétaille qui ne peut rétribuer sa condition humaine avec de la monnaie de singe.
Le message passe. Avec force et violence. Le plan fonctionne. Celui de Bong Joon Ho. On reste hypnotisé pendant plus de deux heures, impatients de démêler les nœuds de ce puzzle caustique et ténébreux ; sans voix face au final qui tranche d'un coup sec toutes nos espérances, propulsant le génie de Bong Joon Ho sur les traces d'un chef-d’œuvre.