« Parasite » c’est avant tout une métaphore et une critique violente contre la société sud-coréenne. Mais en rendant son propos universel, Bong Joon Ho en fait une satire incroyablement d’actualité de notre monde capitaliste.
Car « Parasite » est truffé de symboles, de petites phrases, de détails et bien sûr de scènes
(dont la "boucherie" à la fin du film)
dénonçant la violence de la société capitaliste, sud-coréenne ou non. Ses dérives y sont montrées sans concession, mais Bong Joon Ho a l’intelligence de dénoncer un système sans pointer du doigt un méchant ou un gentil. Les riches ne sont pas forcément des salauds, et les pauvres, les laissés pour compte, pas des citoyens en colère ou qui se battent pour une noble cause. Non dans « Parasite » c’est plutôt chacun pour soi et Dieu pour tous. Car dans « Parasite » que l’on soit riche ou pauvre, chacun vit l’un à côté de l’autre, les élans de solidarité sont souvent des artifices ou intéressés. Bong Joon Ho orchestre une magnifique lutte des classes sans en dénoncer une plus que l’autre. C’est plus profond, c’est un système qui pervertit la nature humaine que le réalisateur nous montre. Car tous les acteurs de cette pièce nous paraissent désespérants. Désespérants, mais sympathiques, même lorsqu’ils font les pires horreurs, car tous sont au final tellement humain. Avec « Parasite » Bong Joon Ho sublime justement le drame humain, sans complaisance ni complainte, souvent avec amusement et parfois avec une grande violence (pas toujours dans les gestes et pas toujours volontaire).
Il jongle aussi parfaitement avec les ambiances, passant en quelques instants de la comédie sociale dramatique (qui demeure le ton global du film) au genre thriller horrifique, autant vous dire que passer d’une ambiance bonne enfant à une grosse angoisse sans transition aucune, fait monter la tension en flèche et le spectateur vit des montagnes russes en terme d’émotion. Bong Joon Ho sait ménager son suspense et ses effets et le film n’en sort que plus fort car nous surprenant régulièrement.
On pourra en revanche lui reprocher certaines facilités scénaristiques
(le fait que toute une famille arrive à prendre la place des employés de maison, sans que ça n’alarme personne est un peu facile, où le fait que la famille parasite ne soit pas démasquée par la famille Park)
nécessaires à maintenir le film dans un format qui ne soit pas trop long. On lui pardonne cependant puisque cela permet de garder un rythme soutenu de bout en bout.
« Parasite » s’avère au final être un film d’une grande richesse avec de nombreux niveaux de lecture. Satire sociale, film à charge, thriller presque horrifique par moment, Bong Joon Ho jongle parfaitement avec différents genres cinématographiques pour nous livrer un portrait acéré (c’est le cas de le dire) et désespérant de la nature humaine et de notre société. De quoi presque nous donner envie d’aller s’exiler chez son voisin du Nord. Une réussite qui s’apprécie plus à tête reposée.