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Paolo Sorrentino, lorsqu’il s’agira de revenir sur sa carrière, aura au moins eu le mérite de faciliter a tâche des historiens du cinéma par une constance sans faille. Amoureux de Naples, sa ville natale, et de la beauté sous toutes ses formes, le cinéaste n’aura eu de cesse de la traquer, la magnifier et la mettre en scène, insistant avec plus ou moins de vigueur, en fonction des sujets, sur la médiocrité de ceux qui l’entourent, la côtoient, la traquent et l’envient.


La figure de la jeune femme – qu’on se souvienne de la sculpturale beauté qui narguait les corps décatis croupissant dans l’eau, sur l’affiche de Youth – est, sans effort aucun, l’allégorie parfaite d’une telle perfection. C’est Parthenope, donc, incarnation de la ville, de l’Italie, de la jeunesse et de l’insolence éclatante de la beauté, à laquelle on adjoint, puisqu’on est dans un conte, la richesse (un lit à baldaquin, carrosse rapatrié de Versailles) et l’intelligence (madame sera une grande universitaire anthropologue).


Autour d’elle, le monde s’agite gentiment, cuit au soleil, valse, déchante, et souffre, en somme, de se réduire à l’imperfection d’être humain. Sorrentino, fort de son savoir-faire, filme le tout en disciple esthète au service d’un sujet qui prétend plus grand que lui, mais qui lui permet surtout de se faire plaisir. Parce que la donzelle est fort avenante, et que l’obliger à se balader dévêtue sous un soleil de plomb devant sa caméra n’a rien de désagréable. Parce qu’il pourra à nouveau citer réellement plus grand que lui – Fellini, toujours, et ce baroque grandiloquent qui mêle sensualité, saillies blasphématoires et créatures étranges -, en pensant pouvoir être du même tonneau. Il suffira de consteller les séquences d’aphorismes plus ou moins désincarnés, se désoler de la déchéance des ravages du temps, et la compenser par la pierre superbement patinée de la cité épousée amoureusement par la méditerranée.


L’imagerie de carte postale – ou de spot publicitaire, ce qui revient à la même idée (Yves Saint Laurent, à la production, ne s’en plaindra pas) se déploie ainsi avec charme, en musique, et dans un ennui croissant, les 136 minutes semblant pouvoir contenir l’équivalent de trois Brutalist. On danse, on baise, on contemple, on vieillit, lors d’un épilogue qui pourrait éventuellement générer quelques germes d’émotions, mais il est trop tard : le spectateur est déjà mort depuis longtemps.

Sergent_Pepper
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le 12 mars 2025

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