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Sorrentino, caricaturiste de l'hyperesthétisme

Le formalisme ostentatoire de Sorrentino se déploie dans toute sa splendeur dans Parthenope. Les gros plans sur ses magnifiques et jeunes acteur·ices, filmés dans une Naples si belle, même dans ses bas-fonds, dirige le regard et l'attention des spectateur·ices ailleurs. L'opulence de beauté n'est autre qu'un moyen pour que Sorrentino mette en oeuvre sa critique de la société italienne et son système patriarcal.

A l'inverse de la plupart des caricaturistes, il déforme et rend poreux ses sujets non pas en les rendant plus moches, en exacerbant leurs défauts, mais en se concentrant sur leur beauté, jusqu'à nous rendre cette dernière presque insupportable. C'est un caricaturiste de l'hyperesthétisme, qui nous donne à voir tellement de choses tellement exacerbées dans leur beauté qu'elles en perdent leur sens, ou se perdent dedans.

Ce qui fait défaut au cinéma de Sorrentino est le male gaze dont il continue à faire preuve. Si l'on s'arrête uniquement à l'image, à la première lecture, il reste un cinéaste homme, cis-blanc occidental qui filme des femmes magnifiques qui évoluent dans des lieux magnifiques et vivent la vie de manière magnifiée. Tout ceci, interprété et capté par le regard d'un homme, bien évidemment. S'en arrêter à cette compréhension de son cinéma rend donc son oeuvre insupportable, et ce ne serait pas une erreur.

Cependant je pense sincèrement qu'il le fait consciemment, pour montrer que son personnage féminin essaye de sortir de ce carcan patriarcal dans lequel tous les personnages avec lesquels elle interragit (c'est à dire tous les autres personnages du film, car elle est la seule femme mis à part sa mère qu'on aperçoit au total pendant 20 secondes approx, et Greta Cool qu'on découvre complètemet déformée dans sa féminité - no spoiler) veulent l'enfermer. On note par ailleurs que tous les autres personnages sont beaux à leur manière, ou imposants.

Parthenope flirte avec tous les pans du pouvoir masculins de la société napolitaine : la finance, l'église, la famille, la mafia. Ce n'est qu'au sein de l'institution universitaire qu'elle réussit enfin à trouver un interlocuteur à travers le professeur Marotta. Il ne la voit pas pour ce qu'elle dégage et inspire (ie une belle femme sexualisée), mais parce qu'il vit et comprend le monde à travers son prisme d'anthropologue qu'il définit comme la science de "voir", d'observer sans juger et donc sans transposer de stéréotypes et croyances. On regrette que son émancipation se fasse à travers un personnage masculin. Mais peut-être est-ce un choix réaliste, proche de la situation en Italie dans la 2è moitié du XXè siècle, de maestro Sorrentino.

asmarties
7
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le 17 nov. 2025

Critique lue 8 fois

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