Ce qu'il y a de fascinant dans la carrière de l'inestimable (oui, elle l'est) Vincent Cassel, c'est décemment son imprévisibilité, le bonhomme étant capable de passer d'une superproduction made in France (La Belle et la Bête) à un drame international tout aussi friqué mais classieux (Enfant 44), en passant par à une production mineure en Australie ou il incarne LA tête d'affiche majeure (Partisan), avec une facilité déconcertante.


Cette imprévisibilité, mais surtout cette faculté d'être crédible et épatant dans n'importe quel rôle, voilà ce qui fait la force du bonhomme depuis le début des années 2000, mais c'est également ce qui en a fait l'un des plus important représentant du cinéma hexagonale à l'étranger, affichant son charisme animal chez quelques-uns des plus grands cinéastes en activité (Steven Soderbergh, Danny Boyle, David Cronenberg, Darren Aronofsky, Jacques Audiard, Gaspard Noé, Jean-Jacques Annaud).


Et alors que son année 2015 s'annonce des plus riches, notamment avec un passage qui ne passera pas inaperçu sur la Croisette la semaine prochaine (avec Mon Roi de Maïwenn et Tale of Tales de Matteo Garrone), puis la sortie de l'alléchant Un Moment d’Égarement de Jean-François Richet ainsi que le tournage de l'ambitieux Juste la Fin du Monde de Xavier Dolan; il nous revient donc cette semaine dans les salles obscures de manière un poil plus timide avec Partisan, premier long du cinéaste australien Ariel Kleiman.


Un thriller sombre des plus prometteurs prenant pour base un article du New-York Times, ou notre Vincent national endosse ni plus ni moins que les traits d'un gourou halluciné aussi étrange que fascinant...


Partisan donc, ou l'histoire de Gregory, un homme charismatique à la tête d’une communauté protégée du monde qui abrite des femmes et leurs enfants.
Parmi eux, Alexandre, 11 ans, a grandi en voyant le monde à travers les yeux de son père Grégori.
Mais des événements inattendus vont finalement l’amener à de plus en plus penser par lui-même...


Dès sa brillante introduction porté par une musique électro, le film de Kleiman annonce clairement la couleur : pas si éloigné finalement du Under The Skin de Jonathan Glazer, il est de ces expériences de cinéma étranges et à part qui cherche à provoquer l'inconfort et le malaise chez son spectateur.


Une œuvre aussi glauque et envoutante que férocement oppressante, de par sa lenteur quasi hypnotique mais aussi son atmosphère des plus inquiétantes, presque hors du temps puisque aucune unité de lieu ni de temps ne sera donnée aux spectateurs tout du long, renforçant de facto le malaise entourant la vision bien plus prégnant.


Fable abstraite sombre, bouleversante et réaliste, la péloche cite clairement le mésestimé Le Village de Shyamalan dans sa vision au quotidien d'une communauté circonscrite, méfiante et délabrée, perdue au milieu de nul part et régit par des adultes passifs, ne remettant jamais en doute l'autorité et fortement inquiets (peur ici instaurée par le gourou qui agit sur leur mental) pour leurs progénitures face à un monde extérieur déshumanisé et en pleine déliquescence.


Dommage du coup, que le scénario beaucoup trop simpliste et linéaire pour convaincre, se perd un peu dans sa volonté un brin fouillis de mettre en image une critique plus ou moins vaine des limites de l'autarcie, et du conditionnement forcé - et dans la violence - de la jeunesse incapable de discerner le bien et le mal.


Jouant sur les regards bien plus que les mots, porté par un casting impliqué mais pas forcément toujours juste, Partisan se voit pourtant constamment tiré par le haut par la prestation tout en nuances d'un Vincent Cassel totalement habité et omniprésent en Grégori, aussi mystérieux qu'animal en leader déterminé et dominant d'une communauté de femmes et d'enfants qu'ils protègent dans un bunker détaché de la civilisation.


Son rapport de force troublant avec le jeune Jeremy Chabriel, magnétique et franchement impressionnant, vaut clairement son pesant de popcorn, tant son évolution et sa remise en question est des plus passionnantes à suivre.


Surréaliste et imprévisible, Partisan est un premier essai des plus singulier et original, certes non-dénué de maladresse (inhérent à tout premier film, et qui plus est aussi ambitieux) mais joliment méritant, suffisamment audacieux, immersif et rempli d'images fortes (quelle photographie de Germain McMiking) pour être impatient de voir ce que donnera la suite de la carrière d'Ariel Kleiman.


Étrange donc, mais pas pour le moins séduisant.


Jonathan Chevrier

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le 7 mai 2015

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