C’est parti pour Un Certain Regard 2014. Premier film de ma future longue carrière de festivalier confirmé. Mon cœur palpite un peu plus fort quand je m’assois dans la salle qui se remplit doucement mais sûrement. A l’écran le programme des dix jours. Beaucoup de promesses et d’articles à écrire pour toi, petit chanceux. On commence donc par un film à six mains, Party Girl qui raconte la vie d’une danseuse de cabaret en fin de carrière voyant s’offrir à elle la chance d’un nouveau départ. Pour le premier film de ce trio de réalisateurs, choisir comme sujet une strip-teaseuse prenant de l’âge dans la campagne profonde de la frontière franco-allemande est très dangereux. Les écueils du mélo tire-larmes et du reportage à la Strip-Tease voire Confessions Intimes sont aussi catastrophiques que difficiles à éviter. Comment s’en sortent-ils ?

Le film se passe loin dans la province strasbourgeoise, entre la France et l’Allemagne. Les personnages parlent d’ailleurs parfois de manière inopinée dans la langue de Goethe, ce qui donne un certain charme Teuton au film. Mais plus que le lieu, c’est le milieu social qui est intéressant. Les piercings aux lèvres, les expressions utilisées, les décorations intérieures et les vêtements montrent au spectateur qu’Angélique et sa famille font partie des classes pauvres de la société (mais comme on est en Allemagne, les chansons de Mike Brant sont en allemand). Cependant le regard des cinéastes ne juge pas, il n’est ni condescendant, ni attendri. On évite donc toute la galerie des clichés habituels alors que les conditions sont réunies. Lors d’un repas de famille, l’arrivée du fils prodigue venant de Paris nous fait craindre l’habituelle opposition de classes rarement réussie au cinéma. Heureusement, rien de tout ça, les personnages gagnent donc en crédibilité et en dimension ce qui nous permet de rentrer pleinement dans le film.

Le film est aussi surprenant dans son intrigue puisqu’il déjoue assez régulièrement nos attentes. Beaucoup de pistes classiques semblent en effet être introduites sans jamais être empruntées par les personnages. Michel, un ancien client d’Angélique la demande en mariage et celle-ci accepte un peu par surprise. On s’attend forcément à ce que quelque chose cloche et que Michel, qui nous est présenté comme un homme très doux et gentil révèle une face obscure ou devienne violent face à l’attitude de sa femme de plus en plus rétive. Il n’en est rien et ce n’est d’ailleurs pas le sujet du film.

En effet, ce n’est pas le milieu social du personnage qui est au cœur du film. C’est un élément important qui permet de comprendre les choix et les doutes d’Angélique, certes, mais c’est un facteur qui n’est pas surestimé par les réalisateurs ce qui est assez rare pour être salué. C’est bien d’Angélique qu’il s’agit. Le film est un très beau portrait de femme pour reprendre l’expression consacrée. Il est important de signaler que l’actrice principale est la mère du co-réalisateur, qu’elle n’est pas actrice et que le film est tiré de sa propre vie. Sa prestation déjà brillante devient alors remarquable et on se demande quelle est la part de vécu et le part de fiction dans son jeu. Mais mettons de côté cela et concentrons-nous sur l’oeuvre en tant que telle. Angélique est réellement troublante et si l’on est toujours à ses côtés, elle reste sur bien des points assez mystérieuse. C’est une femme qui sent que la vieillesse est déjà là et qu’elle ne peut plus vivre comme avant. Pourtant elle ne peut pas changer de vie. Tout est dans la retenue et les sentiments ne s’étalent pas devant nous. Ils sont contenus par les personnages, qui n’ont visiblement pas l’habitude d’exprimer ce qu’ils ressentent, ce qui les rend d’autant plus forts.

Une petite déception, peut-être, alors que la scène du générique, magnifique et particulièrement belle, nous promettait un film intéressant dans les choix de mise en scène celui-ci s’avère en réalité plutôt classique. Les réalisateurs ont préféré respecter un parti pris réaliste qui nous rapproche sûrement des personnages mais qui enlève un grain de folie au film.

Un très bon début pour la sélection d’Un Certain Regard que ce Party Girl. C’est un film sobre sur un sujet pourtant propice à la caricature. Un joli regard sur la difficulté de changer de voie même si l’on sent que le temps ne joue plus pour nous.
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le 16 mai 2014

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