Pas de printemps pour Marnie est un film d'une tension psychologique d'une rare intensité. Le début du film joue déjà avec nos nerfs. On commence par le plan d'un sac à main d'une femme qu'on suit de dos, la caméra s'éloigne puis s'arrête la femme continue de marcher, se dévoile alors sur un quai, puis une ligne rouge tracée au sol sur laquelle elle marche telle une gymnaste sur une poutre. On apprend alors le vol, raconté par la victime, qu'a commis cette mystérieuse femme. Le même plan de cette femme filmée de dos se répète, cette fois-ci dans le couloir d'un hôtel. En quelques minutes Hitchcock nous frustre, nous refusant le visage de la criminelle et il continue de se jouer ainsi de nous en ne nous montrant que ses cheveux baignant dans un lavabo et dont la teinture se dilue peu à peu.
Bref, la tension est établie, l'intelligence du scénario dans sa construction et le talent de mise en scène d'Hitchcock la maintiendra tout du long.

Pas de printemps pour Marnie est donc un film qui ne joue pas sur l'action tel "La mort aux trousses" ou sur l'effroi tel "Les Oiseaux" mais sur la psychologie des personnages. Ainsi on assiste même à une parodie de psychanalyse de Mark Rutland sur Marnie. Hitchcock déjoue habilement l'accusation de psychologie de bazar en plaçant dans la bouche de son héroïne un "You Freud, Me Jane" mettant tout de suite la scène sur un ton humoristique jusqu'à ce qu'en contre-point transparaisse le traumatisme de son héroïne. Si cette recherche du trauma anime l'intérêt du film, il me semble intéressant de souligner également la psychologie de Mark Rutland. Que penser d'un homme qui aime sciemment une voleuse et menteuse pathologique ? Pourquoi même l'a-t'il embauché en 1er lieu tout en sachant qui elle était ? Y a-t'il un syndrome du chevalier en armure ? Une fois le mystère résolu et le trauma guéri, continuera-t'il de l'aimer. Et cette scène de quasi-viol où il arrache sa chemise de nuit ? Bref, si effectivement le film se centre principalement sur Marnie, il ne faut pas oublier que Mark Rutland est lui aussi doté d'une psychologie des plus intéressantes. Et même Lil, bien que juste esquissée, semble plus complexe que la simple jalousie qui l'anime.

On pourra reprocher au film certains détails trahissant son âge : surjeu théâtral et caricatural de la panique chez Tippi Hedren, scène de la chute de cheval qui fait un peu ridicule à nos yeux saturés de cascadeurs professionnels et d'images de synthèse, utilisation de fonds en transparence ou de décors peints, mais ce ne sont là que détails. Pas de printemps pour Marnie est un très grand thriller psychologique à la tension palpable et qui ne vous lâchera pas.

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le 22 avr. 2014

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ghyom

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