Ce film est un véritable coup de tonnerre, un coup de tonnerre qui n'a jamais eu l'occasion de tonner sur les ondes.
Pierre Carles met la main sur une vidéo montrant Mougeotte discutant amicalement avec Léotard, sans savoir qu'il est enregistré. Il glisse un mot sur la dotation des télévisions publiques. Sous prétexte d'interviewer sur les relations entre médias et presse écrites, il rencontre une dizaine de grands journalistes vedettes de la télévision, commence par leur demander s'il reste des sujets tabous (ils répondent que non, bien sûr), puis leur montre cet extrait et leur demande, à leur avis, pourquoi il n'a pas été diffusé. La plupart des journalistes se sentent agressés et bredouillent avec mauvaise foi. De Virieu (L'heure de vérité) dit que l'autocensure vient du public, qui ne veut pas connaître ça ; Carolis plante ; Bernard Benyamin (Envoyé spécial) dit que ça ne l'intéresse pas (alors que ses journalistes utilisent aussi la caméra cachée) ; Chancel, plus honnête, dit qu'après 20 ans de métier, il est difficile de ne pas avoir des relations de proximité avec les politiques ; Charles Villeneuve (émissions d'enquête) agresse Carles ; Anne Sinclair dit qu'il s'agissait d'une discussion privée ; Guillaume Durant bote en touche en rappelant qu'il a fait preuve de courage par le passé et n'a rien à prouver.
Canal, en la personne de Philippe Dana, trouve que le documentaire va trop loin et ne veut pas se fâcher avec les autres chaînes : le documentaire est déprogrammé. Carles filme tous les coups de fil qu'il reçoit, la pression qu'on lui met peu à peu. L'affaire transparaît dans la presse, et Denisot mouille dans un contre-reportage où une interview tronquée de Carles et des journalistes incriminés veut montrer son travail comme un simple piège. Une chaîne de télévision belge diffuse son reportage.
Et puis un jour, Karl Zéro le contacte. On voit de nombreux extraits où Karl veut avec Le vrai journal mettre fin à la distinction off/on. Carles essaie de refourguer Pas vu à la télé, mais le matériau est trop brûlant. Leur collaboration s'arrête : dans le dernier coup de fil, P. Carles avoue à Karl Zéro que leurs coups de fil ont été enregistrés, ce dernier le quitte vexé et amer.
Un film triste, sur ce que coûte l'absence de compromission, qui questionne beaucoup sur ce qu'est l'indépendance. Avec le recul, on peut dire que P. Carles était très en avance sur son temps : aujourd'hui, internet permet facilement de mettre en défaut les puissants et des émissions comme Le petit journal s'en sont même fait un fonds de commerce. Mais on touche ici un problème plus vaste : le fait que les médias, si doués pour dénoncer le pouvoir, ne sont pas capables d'appliquer leur critique à eux-mêmes, car tout le monde se connaît bien, et il est difficile de faire du tort à quelqu'un avec qui on a l'habitude de travailler.
L'indépendance est cependant à ce prix.