"Passion" repose pour moi la question du statut d'un remake . Car, ce que j'aime dans un film c'est son originalité, sa capacité à mettre en lien plusieurs éléments: scénario, acteurs, qualités esthétiques. Ici donc point de surprises scénaristes réelles pour moi puisque je connaissais déjà la trame de l'histoire du film d'Alain Corneau "Crime d'amour". J'ai quand même voulu aller voir ce film notamment pour ses actrices et surtout pour Noomi Rapace et de ce côté là, je peux affirmer que la belle suédoise ne m'a pas déçu, elle a une capacité intense a se mettre dans la peau des personnages qui me fascine. Bref, revenons au film. Brian De Palma signe un film assez fidèle à l'original: mêmes prénoms, même trame, mêmes thèmes: manipulation, pouvoir, sexualité. Mais dès lors, si la première scène semble présager un film identique, il se démarque parce qu'il se place dans un monde de femmes où les hommes ne sont finalement que des faire valoir que l'on se pique pour mieux s'atteindre.

La manipulation se fait donc encore une fois à trois mais ici De Palma la rend plus froide, plus crue, plus jeune, plus ambigue, plus sexuelle. Les héroïnes de ce film sont glaçantes tant elles sont prêtes à tout et le film démarre sur les chapeau de roue, la première scène qui faisait déjà, à mes yeux, la force de "Crime d'amour", est encore une fois ici le point de force du film. Mais c'est à partir de la mort de Christine que tout s’enchaîne et que le délire hitchcockien de De Palma prend toute sa saveur. Dès lors, tout est entraîné dans un tourbillon, les images viennent se contredire, Isabelle est comme prise au piège dans sa manipulation, l'effroi s'en mêle quand la jumelle - existante ou non - semble elle aussi intervenir à l'image d'une héroïne blonde à la Hitchcock

Finalement De Palma dresse un portrait glaçant du capitalisme moderne dans cette micro société qu'est l'agence de pub où les caméras jouent un rôle surprenant, ambivalent mais surtout effrayant: elles sont partout, tout le temps et ne sont là que pour faire du mal. Les identités de ces femmes sont brouillées dans leur désir, Christine va jusqu'à demander à ses amants de porter un masque à son image et la technologie menace à tout moment de nous emporter, nous humilier. Le constat est glaçant, pétrifiant et la partitions des actrices y est pour beaucoup. En posant toujours la question du statut du remake, j'ai compris une chose c'est que, comme le disait Jafar Panahi pour comprendre un film il il faut le réaliser pour lui donner sa force, et De Palma réussit à faire de ce scénario emprunté une originalité d'un monde où les femmes et les caméra prennent le pouvoir en pleine perte d'identité et même, peut-on l'affirmer, d'humanité .. L'autre n'est plus qu'un obstacle à éliminer, un pantin à manipuler pour mieux le détruire sans jamais parvenir à être aimer pour ce qu'on est vraiment ... Pétrifiant !
eloch

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