J'avais envie depuis quelques temps de revoir certains Godard, évidemment l'annonce de son décès n'a fait que précipiter cette envie. Je n'ai jamais trouvé lâche ni opportuniste cette envie récurrente qu'on les gens d'aller acheter les disques d'un chanteur qui vient de mourir ou de vouloir tout de suite revoir les films d'un cinéaste récemment décédé. Je trouve même que ça relève d'un beau sentiment, comme si on voulait effacer l'idée de cette disparition en ayant l'artiste au plus près de nous, ou encore comme si on voulait lui dire qu'on l'aime, ou qu'on essaie de se racheter de ne pas lui avoir assez dit (en vérité de ne se l'être pas assez dit à soi-même) qu'on l'aimait de son vivant. Bref, parmi cette liste de Godard que je souhaite revoir, il y avait Passion, dont je ne me souvenais que vaguement et que je n'avais pas revu depuis les années Fac. Déjà, grosse surprise, en fait je n'avais jamais vu le film ! Je le confondais avec "Scénario du Film Passion", un film que j'adore et qui est une sorte d'appendice (mais qui vaut bien plus que cela) à Passion et dans mon souvenir je pensais qu'il s'agissait de Passion. Bref, j'ai donc découvert Passion avec beaucoup d'intérêt. Nous sommes au tout début des années 80, et Godard revient tout doucement, après une période d'expérimentation extrême et très engagée politiquement durant toutes les années 70, à la fiction, au système de production traditionnel (ici c'est la Gaumont, rien que ça) et au gros casting (Huppert, Piccoli, Schygulla, Stévenin...). Mais c'est une fiction qui se cherche encore, et qui est emprunte d'expérimental, dans sa mise en scène bien sûr, mais dans la gestion de tout le reste, le son, le montage, la musique, la narration... Le film est dichotomique et met en relation le travail à la chaine en usine avec l'univers du cinéma. Les ouvriers s'opposent à leur patron comme les acteurs luttent contre leur metteur en scène. Tout ce qui a été appris durant les 70's est bien distillé dans ce cinéma nouveau chez Godard, et qui annonce de très grandes oeuvres à venir sur cette décennie (Sauve qui peut (la vie) (qui est sorti juste avant mais qui participe de cette évolution) et Nouvelle Vague comme les deux grands faits d'arme de cette décennie). Pourtant Passion n'a rien d'un brouillon, c'est un film plein et affirmé, mais il est intéressant de le voir comme l'annonciateur d'une nouvelle forme d'expression cinématographique chez Godard, lui qui s'est toujours réinventé en permanence.


FrankyFockers
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le 15 sept. 2022

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