Considérer et appréhender Pauline s'arrache comme un film classique serait pure erreur. S'il s'agissait du produit d'un traitement ordinaire, l'oeuvre serait plutôt mauvaise voire inutile. C'est pour cette même raison qu'il est si facile de passer à côté et/ou de le snober. On aime, pour ne pas dire adore ou on le déteste tant le format apparait comme bordélique dès les premiers instants. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que notre cinexpérience s'est vue avortée, en pleine projection, de pas moins de douze de ses membres. Le film surprend, le film, unique en son genre si je ne m'abuse, bouleverse. A contrario de ces douze hommes en colère j'ai été témoin d'une expérience intense. Et si j'utilise cette référence cinématographique ce n'est que pour montrer à quel point l'humanité est ici exposée (et je pèse mes mots).


L'histoire du film s'avère compliquée à résumer si l'on ne précise pas en préambule son cadre. Avant tout, Pauline s'arrache se construit sur les fondations de plus de cent heures de vidéos familiales d'une famille française, le tout sur plusieurs années. L'une des filles de la fratrie (qui est également la réalisatrice) vogue parmi les siens, sa caméra au poing, rendant fidèlement ce qu'a pu être leurs vies à tous en toute innocence, s'attachant néanmoins à respecter son fil rouge : Pauline sa petite soeur, l'adolescente par excellence, elle qui cherche à s'émanciper, à grandir pour enfin pouvoir vivre sa vie.


Ce qu'il y a de formidable dans ce film-documentaire c'est que durant presque la totalité de son ''tournage'', jamais il n'a eu la prétention d'être une oeuvre à part entière. On y suit les membres de cette famille originale, ne tombant jamais dans le voyeurisme outrancier, nous laissant davantage glisser vers la sincère empathie. C'est justement de part cette sincérité d'émotion que l'on est chaleureusement invité dans la vie de ces gens, que l'on découvre à nu, que l'on finit par comprendre, avec qui on a l'impression de pouvoir se laisser à rire sans pour autant que ce dernier ne porte à la moquerie. On entre dans leurs vies pour en ressortir aussi vite avec la quasi-certitude d'être et d'avoir toujours été l'un d'entre eux. Leurs confessions face-caméra, de par leur caractère purement réel et non joué, renforcent cette impression que l'on nous parle directement à nous spectateurs, que l'on ne souhaite pas nous tromper que l'on ne force pas nos ressentis, nos rires ou si peu. Rien que pour cela, l'expérience est grandiose. Certains dirons que cela ressemble à un épisode de Tellement Vrai, tant par l'aspect que le fond mais l'argument est si médiocre qu'ils me pousseraient presque à leur arracher un joli bout de peau...


Après on peut très bien reprocher au film de posséder une image dégueulasse digne de nos meilleures VHS ainsi qu'une trame scénaristique (si je parle de scénario c'est avant tout pour rendre compte du travail colossal de montage ayant été fait) parfois très confuse mais ce serait vraiment perdre sa beauté suitante, son originalité débordante.


Qu'est-ce qu'un film ? Quel est son but premier ? Transmettre des émotions, me direz-vous ? En effet, et cela s'accompagne le plus souvent d'une volonté de transcrire de près ou de loin la réalité de l'existence (même lorsqu'il s'agit d'un monde totalement fictif). Alors quelle meilleure fenêtre sur le monde que la réalité elle-même ?


Vraiment, je vous conseille ce film que, malheureusement, je n'ai pu totalement décrire lors de cette modeste critique tant il serait presque impossible de résumer la vie de ces ''personnages'' en seulement quelques mots, le film, lui, tend vers cette réalisation. De plus, je tiens réellement à remercier l'équipe de la cinexpérience de nous permettre de découvrir de tels diamants bruts. Sans eux je ne pense pas que je serais allé le voir, assurément. Un film sensationnel, donc, mais à voir, en mon sens, qu'une seule fois. Un second visionnage risquerait d'amoindrir mon appréciation et ma surprise, aussi je préfère chérir ces émotions sans chercher à les recréer.

Fosca
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le 19 déc. 2015

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