Dimanche 7 juin 1941 : Pearl Harbor. Si le conflit monumental que fut la Seconde Guerre mondiale arbore nombre de dates clés, nul doute que celle affiliée à l’île d’Oahu est aussi fondamentale que symbolique. D’abord parce que cette attaque surprise déboucha sur l’entrée dans le conflit des États-Unis d’Amérique, eux qui privilégiaient jusqu’alors à un « simple » rôle de soutien logistique (et plus si affinités), ensuite car elle met en exergue la duplicité diplomatique d’un gouvernement japonais aux abois (l’embargo pétrolier)... enfin de par sa dimension « traumatique » (sorte de 11 septembre avant l’heure).


Bref, le sujet est à la fois complexe (contexte géopolitique tumultueux) et captivant en tant que pan notoire de l’Histoire contemporaine. Aussi, à l’aune de ce qu’il représente, le Pearl Harbor de Michael Bay prêtait d’emblée à la grimace, son goût immodéré pour la pyrotechnie rutilante plutôt que le fond étant connu de tous : affublé de l’inévitable étiquette Bruckheimer, il s’avère pourtant que ses conditions de production jugées délicates (dissidence d’opinions quant à l’orientation du film, notamment en ce qui concerne sa violence) font de ce blockbuster en puissance un projet moins « facile » qu’il n’y paraissait.


De surcroît, la présence d’un certain Randall Wallace au scénario enjoignait à un intérêt en sus : déjà adepte de la réécriture Historique avec Braveheart, ce dernier certifiait à sa manière d’un semblant de savoir-faire bienvenu. Mais au contraire du film mettant en scène l’épopée écossaise de William Wallace, le cadre plus récent de Pearl Harbor se prêtait bien moins à la « requalification » : et sous l’égide d’une pléthore de tenants et aboutissants variés, ses quelques trois heures de pellicules n’étaient clairement pas de trop pour en brosser un tableau valable.


Pourtant, si cette durée se veut de prime abord légitime, elle concourt bel et bien à l’instauration d’un sentiment mi-figue mi-raisin : car si Pearl Harbor se sera donné l’ambition de ses moyens, des choix on ne peut plus douteux tel que ce foutu triangle amoureux auront tout bonnement saboté ses prétentions... au point de nous ennuyer dans tous les sens du terme. Qu’il est donc loin ce temps où Bay était à même de m’en foutre plein les mirettes et entretenir l’illusion d’un cinéma divertissant (car c’est un fait : ce long-métrage me fascinait à l’époque) : à présent, la place prépondérante qu’occupe sa sous-intrigue à l’eau de rose saute aux yeux, elle qui empreint le tout d’une tonalité mièvre déteignant jusque sur la photographie (qui, pour le coup, confine à la frustration tant elle souffle le chaud et le froid).


Toutefois, difficile de tirer à boulets rouges sur cette démarche mêlant le micro au macro : car là où William Wallace composait une figure principale aussi logique qu’iconique, Pearl Harbor n’aura pas lésiné sur l’approfondissement d’un trio de « héros » anonymes visant à mieux embarquer le spectateur. Au même titre que les prestations d’Affleck, Hartnett et Beckinsale demeurent valables en tant que telles, l’écriture des rôles n’est fondamentalement pas si catastrophique à l’image d’un Rafe touchant dans son audace maladroite : le problème étant que leurs parcours respectifs ont tôt fait de se prendre les pieds dans le tapis, car assujettis à ce vilain vernis sentimentaliste, des comportements peu à peu caricaturaux et, principalement, une imagerie sensationnaliste faisant la part belle à une bravoure patriotique de mauvais aloi.


S’il n’exclut en rien cette fameuse dimension traumatique, Pearl Harbor s’échine donc à arrondir les angles en érigeant ci et là des motifs de satisfaction désuets, au point de carrément inclure le Raid de Doolittle dans son équation vengeresse et niaise : mais dans la droite lignée d’un pan géopolitique réduit à son plus simple appareil (guère d’ambivalence quant aux décisions radicales des japonais), le film n’est finalement rien de plus qu’un élève paresseux rendant une vision tronquée d’un sujet le dépassant. Certes, il reste de belles images et la bande-originale de Hans Zimmer (quoique trop ronflante), mais convenons que c’est peu...


Une belle occasion ratée pour Bay en somme.

NiERONiMO
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le 19 mars 2020

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