Screen-test, réglage de télévision et couleurs inventées.
Jacques Demy est complétement fou. Fou dans le bon sens, car il a une envie de cinéma absolument dingue, et ce Peau d’Âne ne déroge pas à sa règle du "toujours plus coloré et plus enchanté".
Dès le départ, ces animaux empaillés recouvert de bleu sautent aux yeux. Il est sympa Jacques, il nous prépare à la profusion de couleurs qu'il va nous envoyer dans les rétines. Parce qu'il gratine ici. Plus encore que ses autres films, Demy a été dans la démesure raisonnable de l'époque, avec ses costumes flamboyants qui contrastent tellement avec les couleurs "naturelles" qui viendront après. Il arrive à rendre l'artificialité du monde du château par ses couleurs pétantes, exagérées et souvent uniques. Chaque royaume possède SA couleur, et on baigne ainsi dans le bleu foncé durant les 25 premières minutes de film. Le jeu sur la lumière est aussi important et extravagant, avec ce jeu d'ombres portées sur les robes ou de reflets surexposés à la caméra.
On parle d'images, parce que c'est ce qui choque le plus. Mais Jacques Demy n'est pas sans Michel Legrand. Et là encore, le compositeur envoie la sauce. Orchestration des chants, musique qui colle au montage, Legrand compose presque un opéra pour le film. On se croirait en fait dans un Disney filmé en live. La chanson la plus symbolique de cette idée est celle de la recette du gâteau chantée. C'est tellement improbable, et tellement doux à la fois que ça hypnotise le spectateur (en tout cas, le spectateur que je suis).
Car le film est certes hypnotisant, mais il est aussi très drôle. Demy se permet un humour puéril comme je l'avais que peu vu dans ses autres films. Les blagues avec le rituel de la bague, la scène de l’âne, la fée jalouse et la scène de fin, complétement improbable avec cet hélicoptère qui tranche avec tout le reste. Demy s'est tout permis, au casting de stars (Deneuve, Marais pour ne citer que les deux là), au plans démesurés, à la musique impressionnante. C'est complétement fou, c'est une folie d'une époque d'un cinéma français décomplexé.
Bien sur, tout le monde n'appréciera pas, vu à quel point ça sort des sentiers battus. Ça choquerai presque maintenant encore, avec cette histoire d'inceste par consentement mutuel, presque abouti si l'intervention de la fée n'avait pas engendré l’exil de la princesse. C'est fou, c'est à voir, c'est un cinéma français qui s'oublie petit à petit. Ça prouve que l'extravagance n'est pas qu'américaine, elle a été française aussi pendant un moment.