Je suis allé voir ce film pour la seule raison que Spielberg se trouvait derrière la caméra. Et j'ai eu ce que je voulais voir : un maître de la narration visuelle me livrer un spectacle de technique cinématographique au service d'un sujet "visiblement" académique mais que Spielberg et son scénariste décident de traiter avant tout d'un point de vue psychologique plus qu'historique. En effet, contrairement à Spotlight qui braquait les projecteurs sur l'affaire des prêtres pédophiles et s'intéressait éventuellement, de temps en temps, à la psychologie des personnages, ici c'est l'inverse qui se produit, et je dois dire que j'ai choisi mon camp. Parce que, autant intéressé par les faits historiques que je suis, quand je vais voir un film, je veux qu'on me raconte une histoire humaine, ou du moins vivante, pas seulement un étalement de faits filmés. Et bien entendu, quand Spielberg s'occupe de la direction, on peut-être sûr que l'aspect psychologique et affectif n'est pas laissé de côté (c'est d'ailleurs ce qui lui est le plus souvent reproché), il s'intéresse à ses personnages comme à ses propres enfants et fait virevolter sa caméra dans les différents lieux de l'intrigue pour nous laisser constamment accrochés à l'écran.


De fait, à ma grande surprise, Pentagon Papers s'intéresse avant tout aux rapports de force qui opposent et relient les différents décideurs du Washington Post au début des années 70, lors de son intronisation en bourse, alors que le journal est dirigé par une femme, Kay. Le film oppose alors la vision idéaliste du rédacteur en chef à la vision prudente de la patronne à la vision capitaliste des actionnaires à la vision impérialiste et répressive des politiques. Parce qu'il faut savoir, c'est que les deux têtes pensantes du Washington Post avaient eu des relations, les années passées, avec des hommes politiques (très) puissants. Ce qui rajoute un enjeu au dilemme auquel va faire face Kay et qui représente le principal élément d'intrigue du film, la narration évoluant selon la structure de l'entonnoir et regroupant les conflits, les enjeux et les personnalités dans un argumentaire final absolument jouissif, tant en terme d'écriture que de réalisation.


En clair, Pentagon Papers se révèle très léger vis à vis de son traitement de l'affaire en elle même, préférant se concentrer sur les figures du Washington Post à l'origine de sa publication historique. Cela ne m'a personnellement pas dérangé mais je sais que le traitement en surface peut en décevoir plus d'un.


Quoi qu'il en soit, c'est Steven Spielberg aux commandes et John Williams à la bande son, ce qui nous propose, comme toujours, un pur régal sonore et visuel, l'impression d'assister à un ballet cinématographique parfaitement orchestré et rythmé.


En tant que document d'archives, on peut lui reprocher ce que l'on veut, en tant qu'objet filmique, c'est le top du top.


A voir, clairement.


Et oui, Meryl Streep, Tom Hanks et toute la clique du casting cinq étoiles sont parfaits, comme si on pouvait encore en douter...

Scorcm83
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le 1 févr. 2018

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Audric  Milesi

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