Pour les cinéphiles nostalgiques Pépé a tout d'une référence. Film novateur à l'époque, à l'origine du réalisme poétique, souvent copié et souvent égalé, il allie l'exotisme de l'Afrique et le mythe du voyou au grand cœur, la force de la fatalité et la poésie de l'échec, le milieu pittoresque des voyous et l'aspiration insurmontable vers l'ailleurs. Avec pour personnage principal non pas Gabin mais la Casbah d'Alger, protectrice et dangereuse.


Seulement quand on a lu cette introduction on a vu le meilleur du film. Car Pépé le Moko ne tient pas ses promesses et la vision du film est un mauvais bail. Les acteurs parlent à toute vitesse dans la version VOD, avec des voix suraiguës, la faute probablement à la prise de son de l'époque et il faudrait rajouter des sous-titres pour pouvoir apprécier les dialogues d'Henri Jeanson. Les acteurs, à part Gabin et Charpin, jouent faux. Line Noro n'a pas de charisme. Mireille Balin s'oublie vite. Je ne sauverai que la chanteuse Fréhel « l'inoubliable inoubliée »parmi les interprètes féminines. La palme du pire acteur est pour Lucas Gridoux, caricatural au possible dans le rôle de l'inspecteur Slimane le policier fourbe. Les décors en toile de la Casbah se répètent comme les nombreux clichés et suscitent un peu d'ennui. Voire beaucoup d'ennui.


L'histoire d'amour qui attirait le grand romantique qui est en moi est du classicos de chez classicos : c'est l'histoire de l'éternel triangle amoureux avec un homme et deux femmes. Mais l'histoire d'amour est plaquée artificiellement sur l'histoire principale, celle des bandits. Julien Duvivier peuple l'arrière-plan avec les mauvais garçons qui viennent probablement de faire un mauvais coup et se retrouvent pris au piège de la Casbah d'Alger, dans l'impossibilité de s'enfuir sous peine d'être arrêtés.


A l'heure actuelle la Casbah s'est déplacée plus près de chez nous. Après un braquage il est fréquent que les voyous ne puissent pas s'éloigner de leur cité en banlieue sous peine de se faire coffrer. Ils doivent se contenter des filles de la cité alors qu'ils rêvent des belles filles entrevues en ville. Il y a aussi les policiers qui ne peuvent pas pénétrer dans la cité et qui essaient de s'infiltrer par la ruse.


Et comme toujours chez Duvivier ça se terminera mal pour le héros et la fin donnera lieu à un dernier cliché.


Le caïd au grand cœur Pépé L sera à la fois victime de son amour pour une femme fatale et victime de son aspiration à plus de liberté dans la séquence la plus connue du film, celle des grilles...


Comme on peut le voir Pépé L a terriblement vieilli.


On dira donc d'une façon plus élégante et à l'unisson avec la critique qu'il émane de ce film un romantisme désespéré tout simplement indémodable. Ce qui revient à dire la même chose que le spoil écrit plus haut.

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le 18 nov. 2018

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Zolo31

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