Allez voir ce film !
À première vue, on se demande ce que la routine de cet employé au nettoyage quotidien des toilettes publiques de Tokyo peut offrir d’intéressant sur un film annoncé pour une durée de deux heures. La caméra s’attache à la morne routine d’un employé quasi mutique, un invisible nettoyeur de toilettes que l’on chasse d’un regard méprisant (ôte-toi de là) un invisible qu’on ne remercie même pas quand il retrouve un enfant perdu. On découvre progressivement que cet homme est un poète, un esthète à sa façon. Un homme qui semble vivre dans un monde parallèle qui a stoppé quelque part dans les années 70 dont il écoute la musique sur de vieilles cassettes. Un employé invisible qui utilise son vieil appareil photo argentique bien sûr, pour prendre des photos des arbres qu’il stocke chez lui. Pas de Télévision ni d’ordinateur chez lui, uniquement des livres, car cet homme lit. C’est tout juste s’il possède un téléphone mobile et encore, c’est un modèle des années 90. Le monde réel d’un Tokyo oppressant et déshumanisé l’entoure et se heurte à lui au travers de personnages tels que la petite amie de son collègue nettoyeur et le collègue lui-même (désopilant), puis sa nièce fugueuse qui nous fait découvrir que cet homme a subi quelque chose, une rupture mystérieuse que les quelques personnages féminins (la libraire et la tenancière d’un restaurant) voudraient l’aider à soigner. On finit par comprendre que cet homme vient d’un milieu aisé et qu’il est en rupture quand il retrouve sa sœur. On n’en saura pas plus. Cette histoire est toute en évocation. On effleure les choses. Chaque « chapitre » s’ouvre ou se clôt pas de merveilleuses images fondues, mixées, qui nous ramènent au cinéma d’Ozu
Ce style de cinéma contemplatif, poétique, esthétique nous montre plan après plan que la beauté se niche partout et qu’il suffit de savoir regarder pour la trouver. Un tel film serait certainement ennuyeux s’il n’était pas incarné par un acteur exceptionnel. Koji Yakusho est l’homme qu’il fallait pour que l’on se laisse prendre par le film et qu’on éprouve de l’empathie pour cet homme. Je comprends que Cannes l’ait récompensé.