Si sur le terrain de l'exploitation de ses films Wim Wenders peut encore et toujours compter sur le prestige de Paris, Texas et Les Ailes du désir pour espérer grappiller quelques milliers d'entrées en salle, Perfect Days sonnerait presque comme une redécouverte d'un fragment antérieur de sa carrière de cinéaste et notamment celle de sa trilogie "road movie" avec Alice dans les villes, Faux Mouvement et Au fil du temps. Silences, paysages, intrigue circulaire, montage expérimental ou encore importance de la culture musicale américaine sont alors présents dans une déambulation du quotidien partagée entre solitude paisible, travail, tâches et incursions poétiques avec la nature.
Il est clair que la lassitude pourrait rapidement prendre le pas par la répétitivité et la lenteur prononcée du rythme. Pourtant, l'expérience captivante est bien présente ; empreint à une grande délicatesse et une grande humilité, le duo Wenders/Kôji Yakusho mettent avant tout en scène avec passion leur protagoniste. Nettoyage de toilettes publiques, lecture avant de dormir, pauses repas, promenades à vélo… Perfect Days capture Tokyo à travers les yeux de ce dernier, donnant l'étrange impression que la ville aux 14 millions d'habitants n'a jamais paru aussi proche de l'échelle humaine - notamment lors de ses scènes d'éveil au petit matin.
Malgré les changements subtils que Wenders peut opérer, il semble néanmoins important pour ce dernier de conserver cette délicatesse et cette humilité tout au long de son récit. Lors de l'arrivée du personnage de la nièce (interprété par Arisa Nakano), Perfect Days confronte son protagoniste à son quotidien et à sa solitude, les liens familiaux et le passé ressurgissent pour confronter aux ravages du temps, aux liens qui se perdent - car jusque là enfermé dans la bulle du présent. Mais Perfect Days parle surtout de transmission où, tournant toujours autour de la musique, tout s'ouvre et se referme magnifiquement par les voix qui résonnent appelant à un nouveau jour.