Le prix d’interprétation masculine raflé au festival de Cannes ne pouvait que nous encourager à suivre l’histoire de Hirayama, un tokyoïte dont le métier se « résume » à nettoyer les toilettes publiques. « Se résume », terme volontairement bien péjoratif, car évidemment la mission -de vie- de cet homme est bien plus vaste que le récurage d’urinoirs (architecturalement très intéressants d’ailleurs!). La parole est millimétrée, réduite à l’essentiel , de peur peut-être que le déploiement d’énergie qu’elle implique épuise le héros, le vide de son énergie et le détourne du principal : le simple bonheur de vivre. On suit donc pendant ces deux heures les rituels de Hirayama (le café du matin, le sandwich du midi, le bain douche, les plantes, les livres..), la monotonie de son existence, monotonie qui finalement est un écrin dans lequel le héros peut nourrir à souhait sa gentillesse, sa patience, sa gratitude, ses sourires, son regard embué de tendresse sur ce monde qui va trop vite. Cadre si essentiel que l’on comprend vite qu’un simple grain de sable pourrait venir l’enrayer (la nièce, la sœur, la mort..) et éloigner le héros de la saveur d’une vie simple.
Le bonheur réside dans la vie savourée chaque jour, tel semble être le message du film, avec ses petits bonheurs fugaces et parfois imperceptibles, ses moments d’humanité presque invisibles (le petit garçon perdu, les sourires..) et la saveur de chaque jour vécu. « Maintenant c’est maintenant » pour reprendre les mots de Hirayama.
Mais vivre, c’est aussi accueillir l’ombre de l’autre, sa part de soleil et sa part d’obscurité confondue à la notre (deux ombres l’une sur l’autre sont-elles plus sombres?): pour être heureux, faut-il se protéger d’autrui en passant peut-être à côté d’une vie ouverte sur et à autrui -sans pour autant être misanthrope- dans la digne veine de Hirayama, ou se perdre dans la toile d’araignée de la vie et prendre alors le risque de grandes joies.. et d’énormes déflagrations personnelles…A chacun de faire son choix et d’y trouver ses propres clés selon sa perception et sa sensibilité. Film ennuyeux à mourir ou chef d’œuvre résumant l’essence de la vie, chacun se fera son avis… pour ma part, mon choix s’étire vers le second.
Porté par des choix musicaux judicieux et résonnants car universels, ce film aura donc la vertu d’inviter chacun à une introspection personnelle, mais offrira certainement (c’est mon cas) plus de questions que de réponses. Peut-être la clé réside-t’elle dans le tout dernier plan après générique.