Anne Fontaine est capable du meilleur (Nettoyage à sec, Comment j’ai tué mon père, Natalie…) comme du moins meilleur (Entre ses mains, Mon pire cauchemar…), et c’est surtout quand elle explore les troubles d’une intimité malmenée (celle du couple ou de la famille) qu’elle excelle dans l’ambivalence bourgeoise et feutrée, et davantage quand elle se frotte à la comédie apathique. Troubles pouvant prendre l’apparence d’un motif extérieur (Loïc, Natalie) ou, comme ici, d’une pulsion intérieure et profonde (désir transgressif, quasi incestueux, de deux mères amies d’enfance, presque sœurs, envers le fils de chacune).

Scénarisé par Christopher Hampton (d’après Les grands-mères de Doris Lessing, prix Nobel de littérature en 2007), Perfect mothers a pourtant du mal à dépasser le stade de la romance gentiment polissonne, alors qu’il bénéficiait d’un quatuor amoureux relativement inhabituel d’un point de vue moral permettant un grand vertige émotionnel. On attendait quand même, de la part d’Hampton qui su, jadis, si bien adapter Les liaisons dangereuses, modèle de récit libertin et passionnel, quelque chose de plus sulfureux et de plus vénéneux par rapport à l’histoire proposée (d’aucuns diront que Fontaine et Hampton ont préféré la subtilité et la pudeur).

Las ! Ça reste lisse, pas assez rugueux, pas assez affolant, et même si le final parvient à ne pas être totalement convenu, l’ensemble souffre d’une psychologie et d’un rendu sans caractère, désincarnant la charge érotique et complexe de chaque personnage (au moins Fontaine ne juge jamais leurs actions ni leurs décisions). L’intrigue ne va jamais plus loin (par retenue ? Par choix ? Par paresse ?) que celle d’un pseudo Harlequin qui chercherait à s’encanailler (deux mères choisissent de profiter de leur belle progéniture en rejetant les mâles alentour, mari comme possible prétendant) ou d’un film-débat servant à illustrer un séminaire pour femmes mûres en quête d’affirmation individuelle du genre "J’ai 45 ans et je couche avec le fils de 19 ans de ma meilleure amie : suis-je une cougar ou une MILF ?".

Malgré deux interprètes au sommet de leur sensualité (Robin Wright, qui vieillit magnifiquement bien, irradie le film d’une présence lumineuse et vole la vedette à Naomi Watts), malgré l’insolente jeunesse de Xavier Samuel et James Frecheville (découvert et révélé dans Animal kingdom), malgré l’atmosphère langoureuse et les paysages superbes d’une Australie paradisiaque, on reste finalement de marbre devant ce drame poli à la limite du roman-photo pour magazines chic. Et puis les événements s’enclenchent mal parce qu’on a l’impression que Tom couche avec la mère de Ian d’abord par simple vengeance (un peu facile) ou par obligation (parce que Ian l’a fait avec Roz en premier), plutôt que par réelle attirance, par lien équivoque, et sans que Lil trouve d’ailleurs à y redire. Un hiatus qui, d’entrée, occasionne un rapport bancal au film dont l’évident potentiel s’égare dans un plaisir vague et ordinaire.
mymp
5
Écrit par

Créée

le 3 avr. 2013

Critique lue 1.8K fois

19 j'aime

2 commentaires

mymp

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

19
2

D'autres avis sur Perfect Mothers

Perfect Mothers
Queenie
9

Paradis Perdu.

Deux amies d'enfance, très proches l'une de l'autre. Deux mères de deux superbes jeunes hommes. Un petit coin paradisiaque d'Australie. Les choses basculent (mais pas tant que ça) lorsque chacune des...

le 5 avr. 2013

35 j'aime

2

Perfect Mothers
Rawi
4

Critique de Perfect Mothers par Rawi

Comment "Les grands-mères" ont pu devenir "The perfect mothers" ? Franchement le pitch de ce film est effrayant ! non pas par le côté cougar qui couchent avec des minets mais par le côté "je prends...

Par

le 18 août 2013

28 j'aime

3

Perfect Mothers
amarie
3

Critique de Perfect Mothers par amarie

Vraiment pas crédible cette histoire, les 2 meilleures amies qui tombent amoureuses de leurs fils respectifs, perturbant à peine leur amitié ; un tout petit peu quand même faut pas charrier ; les...

le 18 mars 2014

23 j'aime

4

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

179 j'aime

3

Killers of the Flower Moon
mymp
4

Osage, ô désespoir

Un livre d’abord. Un best-seller même. Celui de David Grann (La note américaine) qui, au fil de plus de 400 pages, revient sur les assassinats de masse perpétrés contre les Indiens Osages au début...

Par

le 23 oct. 2023

163 j'aime

13

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

161 j'aime

25